244. Cependant je regardais Robert et je songeais à ceci. Il y avait dans ce café, j'avais connu dans la vie, bien des étrangers, intellectuels, rapins de toute sorte, résignés au rire qu'excitaient leur cape prétentieuse, leurs cravates 1830 et bien plus encore leurs mouvements maladroits, allant jusqu'à le provoquer pour montrer qu'ils ne s'en souciaient pas, et qui étaient des gens d'une réelle valeur intellectuelle et morale, d'une profonde sensibilité. Ils déplaisaient – les Juifs principalement, les Juifs non assimilés bien entendu, il ne saurait être question des autres – aux personnes qui ne peuvent souffrir un aspect étrange, loufoque (comme Bloch à Albertine). Généralement on reconnaissait ensuite que, s'ils avaient contre eux d'avoir les cheveux trop longs, le nez et les yeux trop grands, des gestes théâtraux et saccadés, il était puéril de les juger là-dessus, qu'ils avaient beaucoup d'esprit, de coeur et étaient, à l'user, des gens qu'on pouvait profondément aimer. Pour les Juifs en particulier, il en était peu dont les parents n'eussent une générosité de coeur, une largeur d'esprit, une sincérité, à côté desquelles la mère de Saint-Loup et le duc de Guermantes ne fissent piètre figure morale par leur sécheresse, leur religiosité superficielle qui ne flétrissait que les scandales, et leur apologie familiale d'un christianisme aboutissant infailliblement (par les voies imprévues de l'intelligence uniquement prisée) à un colossal mariage d'argent. Mais enfin chez Saint-Loup, de quelque façon que les défauts des parents se fussent combinés en une création nouvelle de qualités, régnait la plus charmante ouverture d'esprit et de coeur. Et alors, il faut bien le dire à la gloire immortelle de la France, quand ces qualités-là se trouvent chez un pur Français, qu'il soit de l'aristocratie ou du peuple, elles fleurissent – s'épanouissent serait trop dire, car la mesure y persiste et la restriction – avec une grâce que l'étranger, si estimable soit-il, ne nous offre pas. Les qualités intellectuelles et morales, certes les autres les possèdent aussi, et s'il faut d'abord traverser ce qui déplaît et ce qui choque et ce qui fait sourire, elles ne sont pas moins précieuses. Mais c'est tout de même une jolie chose et qui est peut-être exclusivement française, que ce qui est beau au jugement de l'équité, ce qui vaut selon l'esprit et le coeur, soit d'abord charmant aux yeux, coloré avec grâce, ciselé avec justesse, réalise aussi dans sa matière et dans sa forme la perfection intérieure. Je regardais Saint-Loup, et je me disais que c'est une jolie chose quand il n'y a pas de disgrâce physique pour servir de vestibule aux grâces intérieures, et que les ailes du nez sont délicates et d'un dessin parfait comme celles des petits papillons qui se posent sur les fleurs des prairies, autour de Combray ; et que le véritable opus francigenum, dont le secret n'a pas été perdu depuis le XIIIe siècle, et qui ne périrait pas avec nos églises, ce ne sont pas tant les anges de pierre de Saint-André-des-Champs que les petits Français, nobles, bourgeois ou paysans, au visage sculpté avec cette délicatesse et cette franchise restées aussi traditionnelles qu'au porche fameux, mais encore créatrices.
Albertine 244. Ils déplaisaient aux personnes qui ne peuvent souffrir un aspect étrange, loufoque (comme Bloch à Albertine)
(Extrait de la série Albertine dans A la recherche du temps perdu. Les numéros indiquent la position du fragment au sein des 487 sections de notre édition en ligne.)
- Albertine 117. la fameuse “Albertine”. Elle sera sûrement très “fast”, mais en attendant elle a une drôle de touche
- Albertine 133. ma nièce Albertine est comme moi | elle est effrontée cette petite | cette petite masque, elle est rusée comme un singe
- Albertine 137 - 140. les Bontemps avec leur nièce Albertine, petite jeune fille presque encore enfant | je ne savais pas alors l'influence que cette famille devait avoir sur ma vie
- Albertine 162 - 163. Une de ces inconnues poussait devant elle, de la main, sa bicyclette | ses regards obliques et rieurs
- Albertine 163 - 164. la petite Simonet | le nom de Simonet | Simonet et famille | Mlle Simonet
- Albertine 165 - 166. Mlle Simonet et ses amies | la de moins en moins existante Mlle Simonet
- Albertine 167 - 168. celle aux clubs de golf, présumée être Mlle Simonet. C'est ainsi, faisant halte, les yeux brillants sous son « polo » que je la revois encore maintenant. C'est elle !
- Albertine 169 - 173. Elstir me dit qu'elle s'appelait Albertine Simonet | Que connaissais-je d'Albertine ? | la série indéfinie d'Albertines imaginées qui se succédaient en moi
- Albertine 173 - 174. le simple plaisir de faire la connaissance d'Albertine | une causerie avec Albertine
- Albertine 174 - 175. une jeune fille portant un toquet et un manchon | il n'existait pas de personne plus désirable
- Albertine 175. tous les plaisirs que je lui demanderais | Devenu différent par le fait de sa présence même
- Albertine 175 - 176. Albertine élevant au bout d'un cordonnet un attribut bizarre qui la faisait ressembler à l'« Idolâtrie » de Giotto ; un « diabolo »
- Albertine 176 - 177. Bientôt je passai toutes mes journées avec ces jeunes filles
- Albertine 178 - 180. j'avais lu ces mots qu'elle m'avait écrits : « Je vous aime bien. » | c'était avec elle que j'aurais mon roman
- Albertine 180. je ne cherchai guère à voir Albertine. L'amour commence, on voudrait rester l'inconnu qu'elle peut aimer
- Albertine 180 - 182. Oui, me dit-elle, je passe cette nuit-là à votre hôtel | J'allais savoir l'odeur, le goût, qu'avait ce fruit rose inconnu
- Albertine 182. Si Albertine me semblait maintenant vide, Andrée était remplie de quelque chose que je connaissais trop
- Albertine 182 - 183. chacune de ces Albertine était différente | l'habitude de devenir moi-même un personnage autre | Albertine s'en alla la première, brusquement
- Albertine 190. idées romanesques que la froideur d'Albertine, le départ prématuré de Gisèle, la séparation d'avec Gilberte avaient libérées
- Albertine 231. Andrée plaignait trop Albertine pour l'aimer beaucoup
- Albertine 236 - 239. Albertine, contenant dans la plénitude de son corps les jours passés dans ce Balbec | en train d'embrasser la joue d'Albertine
- Albertine 240 - 241. Françoise m'annonça Albertine | je demandai à Albertine de m'accompagner jusqu'à l'île du bois de Boulogne | Saint-Cloud
- Albertine 244. Ils déplaisaient aux personnes qui ne peuvent souffrir un aspect étrange, loufoque (comme Bloch à Albertine)
- Albertine 273. j'avais convenu avec Albertine (je lui avais donné une loge pour Phèdre) qu'elle viendrait me voir un peu avant minuit
- Albertine 280 - 284. Albertine devait venir chez moi aussitôt après le théâtre | Elle ne viendra plus. Ah ! nos gigolettes d'aujourd'hui !
- Albertine 284 - 285. bruit de toupie du téléphone. Je m'élançai, c'était Albertine | Pour Albertine, je sentais que je n'apprendrais jamais rien
- Albertine 288 - 290. petit mot d'Albertine | maintenant, mademoiselle Albertine, c'est quelqu'un | j'avais désiré de réentendre le rire d'Albertine
- Albertine 291 - 292. Albertine recommençait cependant à m'inspirer comme un désir de bonheur
- Albertine 292 - 295. casino d'Incarville. Albertine et Andrée qui valsaient lentement, serrées l'une contre l'autre. Au comble de la jouissance | J'avais mal compris le caractère d'Albertine
- Albertine 296 - 297. Albertine me dit : Qu'est-ce que vous avez contre moi ? | J'aurais dû partir ce soir-là sans jamais la revoir
- Albertine 297 - 299. Nous allions goûter comme autrefois « en bande », Albertine, ses amies et moi | deux amants tout seuls | préoccupations du côté de Gomorrhe
- Albertine 300 - 304. Albertine et moi, devant la station Balbec du petit train d'intérêt local | jaloux de l'attitude d'Albertine à l'égard de Robert, j'étais rassuré quant aux femmes
- Albertine 309. conversation avec ma mère | un mariage entre Albertine et toi serait le rêve de sa tante | Albertine, je ne la trouve pas
- Albertine 314 - 315. une jeune cousine que je ne peux pas laisser seule (cette prétendue parenté simplifiait les choses pour sortir avec Albertine)
- Albertine 316 - 322. Tous les jours, je sortais avec Albertine | je commandai, pour mon malheur, une automobile | comme une chienne encore qu'elle commençait à me caresser sans fin
- Albertine 322 - 330. La Raspelière où je viens dîner pour la première fois avec mon amie | enchaîné à ce besoin quotidien de voir Albertine
- Albertine 331 - 332. ma « cousine » avait un drôle de genre | Albertine dans le train avec Saint-Loup | Le mariage avec Albertine m'apparaissait comme une folie
- Albertine 333 - 335. Je n'attendais qu'une occasion pour la rupture définitive | chambre de Montjouvain où elle tombait dans les bras de Mlle Vinteuil | il faut absolument que j'épouse Albertine
- Albertine 336 - 337. Albertine habitait alors avec moi | Je n'aimais plus Albertine, car il ne me restait plus rien de la souffrance, guérie maintenant
- Albertine 338 - 339. en quittant Balbec, j'avais cru quitter Gomorrhe, en arracher Albertine ; Gomorrhe était dispersée aux quatre coins du monde
- Albertine 340 - 342. jolies choses de toilette | Les brimborions de la parure causaient à Albertine de grands plaisirs
- Albertine 343 - 344. petit incident dont la cruelle signification m'échappa | Andrée | l'odeur de seringa | une autre Albertine | jalousie
- Albertine 344 - 345. Albertine encagée | images successives | je la regardais dormir | plusieurs Albertine en une seule | embarqué sur le sommeil d'Albertine
- Albertine 346 - 351. la voir s'éveiller | plaisir même qu'elle habitât chez moi | habitudes de vie en commun | permanence d'un danger | jalousie | ces êtres de fuite
- Albertine 352 - 353. signal joyeux de son éveil | nourritures criées dans la rue | paroles menteuses | prolongement extérieur de la séquestration
- Albertine 354. A Versailles. Albertine avait été seule | explications du chauffeur, en innocentant Albertine me la rendaient encore plus ennuyeuse
- Albertine 355. ma mère était ennuyée de voir que le séjour d'Albertine à la maison se prolongeait, et s'affermir mes intentions de mariage
- Albertine 355 - 357. Mlle Léa, la comédienne amie des deux jeunes filles
- Albertine 357 - 358. sonate de Vinteuil | La musique bien différente en cela de la société d'Albertine, m'aidait à descendre en moi-même, à y découvrir du nouveau
- Albertine 358 - 360. Familial et domestique : sentiment que j'éprouvai en me promenant avec elle | Passy, Bois de Boulogne, Seine, Saint-Cloud | jeunes midinettes éparses
- Albertine 360 - 363. elle semblait s'y trouver en prison | pensée de mon esclavage | Albertine sentait cruellement le sien | Gisèle | elle ne mentait pas de la même manière qu'Albertine | le mensonge | Janus
- Albertine 363 - 365. votre cousine | elle est bien jolie | elle sait se vêtir ou plus exactement s'habiller | Charlus au sujet d'Albertine | un peu lourde beauté | elle peut faire un riche mariage
- Albertine 366 - 367. deux personnes d'une terrible réputation : les deux demoiselles Vinteuil | cause enfin découverte de l'envie d'Albertine de venir tantôt | ce petit organe que nous appelons coeur
- Albertine 370 - 371. dans mon coeur était le double d'Albertine | tout s'entrecroise | tendre phrase familiale et domestique du septuor, inspirée à Vinteuil par le sommeil de sa fille | Albertine mêlée à quelque chose de si grand
- Albertine 372 - 373. Mlle Vinteuil | c'était grâce à elle qu'avait pu venir jusqu'à moi l'étrange appel – comme la promesse qu'il existait autre chose, réalisable par l'art, que le néant
- Albertine 374 - 380. renseignements relatifs à la venue de Mlle Vinteuil et de son amie | une bande terrible | faire croire à Albertine que j'avais moi-même l'intention de la quitter
- Albertine 380. Du trottoir je voyais la fenêtre de la chambre d'Albertine | le lumineux grillage qui allait se refermer sur moi
- Albertine 381 - 384. la jalousie | que vous me laissiez une fois libre pour que j'aille me faire casser… le pot | Les gomorrhéennes | Si cette comédie de séparation allait aboutir à une séparation !
- Albertine 385 - 386. lettre de ma mère | pourquoi troubler cette fille qu'il n'épousera jamais ? | ce que j'ai lu dans les yeux d'Albertine | robes de Fortuny
- Albertine 386 - 387. je lui demandais de me faire un peu de musique | pianola | musique de Vinteuil | littérature | une même beauté qu'ils apportent au monde
- Albertine 388 - 389. je touchais seulement l'enveloppe close d'un être qui par l'intérieur accédait à l'infini | une grande déesse du Temps | prisonnière | caractère d'Albertine
- Albertine 389 - 390. ma vie avec Albertine n'était, quand je n'étais pas jaloux, qu'ennui, quand j'étais jaloux, que souffrance | la quitter | la colère un soir | honte de ma violence | réparer cela
- Albertine 390 - 391. promenades | Versailles | docilité absolue | nostalgie de ma liberté perdue | la pâtissière | la quitter | Mlle Albertine m'a demandé ses malles | à neuf heures elle est partie
- Albertine 392 - 393. Mademoiselle Albertine est partie | la souffrance va plus loin en psychologie que la psychologie | la faire revenir
- Albertine 393 - 394. La souffrance | la chaise d'Albertine, le pianola | C'était cet inconnu qui faisait le fond de mon amour | L'esprit dans lequel Albertine était partie
- Albertine 394 - 398. Albertine serait de retour à la maison le soir même | Saint-Loup mandé par moi | télégramme d'Albertine | Adieu pour toujours
- Albertine 398 - 400. Le temps passe, et peu à peu tout ce qu'on disait par mensonge devient vrai | bagues | lettre d'Albertine | accident | la suppression de la souffrance
- Albertine 400. La suppression de la souffrance ? | télégramme désespéré lui demandant de revenir | Le monde n'est pas créé une fois pour toutes | notre petite Albertine n'est plus | Serait-il trop tard pour que je revienne chez vous ?
- Albertine 401 - 404. la mort d'Albertine | c'est d'innombrables Albertine que j'aurais dû oublier | le souvenir d'Albertine lié à toutes les saisons | le paysage moral
- Albertine 405 - 408. Ma séparation d'avec Albertine | Mes curiosités jalouses de ce qu'avait pu faire Albertine étaient infinies
- Albertine 409 - 412. ce retrait en moi des différents souvenirs d'Albertine | reprises de mon amour pour Albertine morte | mon amour finissant
- Albertine 413. traverser en sens inverse tous les sentiments par lesquels j'avais passé avant d'arriver à mon grand amour | sans Albertine
- Albertine 417. cette oeuvre de l'oubli à l'égard d'Albertine | Je n'aimais plus Albertine | Je souffrais d'un amour qui n'existait plus. Ainsi les amputés | vivre sans Albertine
- Albertine 417 - 420. conversation qu'Andrée eut avec moi | l'Albertine réelle | petites pêcheuses, petites blanchisseuses | culpabilité, innocence d'Albertine | le jeune homme sportif
- Albertine 420 - 421. Combien peu je saurais jamais de cette histoire d'Albertine | J'écrivis à Andrée de revenir | “je suis dans les choux”, ce jeune homme qui aimait Albertine | Albertine avait trouvé un beau parti bourgeois | le secret de sa vie
- Albertine 421 - 426. j'avais en grande partie oublié Albertine | l'Albertine d'autrefois était pourtant enfermée au fond de moi | J'aurais été incapable de ressusciter Albertine parce que je l'étais de me ressusciter moi-même
- Albertine 430 - 433. la vraie Gilberte, la vraie Albertine, c'étaient peut-être celles qui s'étaient au premier instant livrées dans leur regard | n'ayant pas su le comprendre, je les avais « ratées »
- Albertine 434 - 456. je parlai à Gilberte d'Albertine et lui demandai si celle-ci aimait les femmes | poutana | mort de Robert de Saint-Loup
- Albertine 457 - 467. rendre aux moindres signes qui m'entouraient (Guermantes, Albertine, Gilberte, Saint-Loup, Balbec, etc.) leur sens que l'habitude leur avait fait perdre pour moi
- Albertine 476 - 484. je souhaitais de nouveau, ce dont j'avais rêvé à Balbec, quand sans les connaître encore, j'avais vu passer devant la mer Albertine, Andrée et leurs amies | les futures Albertine
- Albertine 485 - 487. Profonde Albertine que je voyais dormir et qui était morte