Albertine 231. Andrée plaignait trop Albertine pour l'aimer beaucoup

231. Ma mère et moi (de qui le mensonge était d'avance percé à jour par Françoise, perspicace et offensante), nous ne voulions même pas dire que ma grand-mère fût très malade, comme si cela eût pu faire plaisir aux ennemis que d'ailleurs elle n'avait pas, et eût été plus affectueux de trouver qu'elle n'allait pas si mal que ça, en somme par le même sentiment instinctif qui m'avait fait supposer qu'Andrée plaignait trop Albertine pour l'aimer beaucoup. Les mêmes phénomènes se reproduisent des particuliers à la masse, dans les grandes crises. Dans une guerre celui qui n'aime pas son pays n'en dit pas de mal, mais le croit perdu, le plaint, voit les choses en noir.

(Extrait de la série Albertine dans A la recherche du temps perdu. Les numéros indiquent la position du fragment au sein des 487 sections de notre édition en ligne.)