Résumé d'A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust
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Première partie : Combray
I. Réveils. Chambres d'autrefois, à Combray, à Tansonville, à Balbec. L'habitude.
Le drame du coucher à Combray. La lanterne magique ; Geneviève de Brabant. Soirées de famille. Le petit cabinet sentant l'iris. Le baiser du soir. Visites de Swann ; son père ; sa vie mondaine insoupçonnée de mes parents. "Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres". - La maison de Mme de Villeparisis à Paris ; "le giletier et sa fille". - Périphrases et allusions des tantes Céline et Flora : le vin d'Asti. La privation du baiser. Monter l'escalier sans viatique. - Le code de Françoise. Swann et moi. Mon éducation. - Conversation des parents après le départ de Swann. - Conduite arbitraire de mon père, qui laisse Maman passer la nuit dans ma chambre. Les cadeaux de ma grand-mère ; ses idées sur les livres et sur l'art. Lecture de George Sand.
Résurrection de Combray par la mémoire involontaire. La madeleine trempée dans la tasse de thé.
II. Combray. Les deux chambres de ma tante Léonie ; son tilleul. Françoise. L'église. M. Legrandin. Eulalie. Les deux catégories de gens que détestait ma tante Léonie. Déjeuners du dimanche. Un coin du jardin, l'arrière-cuisine et le cabinet de l'oncle Adolphe. - L'amour du théâtre : titres sur des affiches. Rencontre à Paris, chez l'oncle Adolphe, de "la dame en rose" (Odette de Crécy, la future Mme Swann). Brouille de l'oncle Adolphe avec ma famille. - La fille de cuisine (la Charité de Giotto). Lectures au jardin. Réflexions sur la lecture. La fille du jardinier et le passage des cuirassiers. - Bloch et Bergotte. Bloch et ma famille. Lecture de Bergotte. Swann, lié avec Bergotte. La Berma. Façons de parler et tour d'esprit de Swann. Prestige de Mlle Swann, amie de Bergotte. - Visites du curé à ma tante Léonie. L'église vue par le curé. Ses étymologies. Eulalie et Françoise. La délivrance de la fille de cuisine. Cauchemar de ma tante Léonie. Les déjeuners du samedi. Les aubépines sur l'autel de l'église. M. Vinteuil. Sa fille a "l'air d'un garçon". Promenades autour de Combray au clair de lune. Tante Léonie et Louis XIV. Attitude étrange de Legrandin. La cuisine de Françoise : les asperges, le poulet. Legrandin m'invite à dîner. Son snobisme. Sa description de Balbec et son refus de nous introduire auprès de sa soeur, Mme de Cambremer. - Le côté de chez Swann (ou de Méséglise) et le côté de Guermantes.
Du côté de chez Swann. Vue de plaine. Les lilas de Tansonville. Chemin d'aubépines. Apparition de Gilberte. La dame en blanc et le monsieur habillé de coutil (Mme Swann et M. de Charlus). Tante Léonie rêve de revenir à Tansonville. Amour naissant pour Gilberte : charme du nom de Swann. Adieux aux aubépines. - L'amie de Mlle Vinteuil s'installe à Montjouvain. Douleur de M. Vinteuil. Le Vinteuil de Swann est-il un parent de M. Vinteuil ? La pluie. Le porche de Saint-André-des-Champs, Françoise et Théodore. - Mort de ma tante Léonie ; douleur sauvage de Françoise. - Exaltation dans la solitude d'automne. Désaccord entre nos sentiments et leur expression habituelle. "Les mêmes émotions ne se produisent pas simultanément chez tous les hommes". Naissance du désir. Désir d'embrasser une paysanne dans les bois. Le petit cabinet sentant l'iris. Je vois Mlle Vinteuil à Montjouvain. Scène de sadisme.
Du côté de Guermantes. Paysage de rivière : la Vivonne ; les carafes dans la Vivonne. Les nymphéas. Les Guermantes ; Geneviève de Brabant, "ancêtre de la famille de Guermantes". Rêves et découragement d'un futur écrivain. La duchesse de Guermantes dans la chapelle de Gilbert le Mauvais. Quels secrets se dérobent derrière les impressions de forme, de parfum, de couleur ? Les clochers de Martinville. Première joie de la création littéraire. Passage de la joie à la tristesse. Les leçons des deux côtés. La réalité ne se forme-t-elle que dans la mémoire ?
Réveils.
Deuxième partie : Un amour de Swann
Le "petit noyau" des Verdurin. Les "fidèles". Odette parle de Swann aux Verdurin. Swann et les femmes. Première rencontre de Swann et d'Odette : elle n'est pas son type. Comment il est devenu amoureux d'elle. Swann et Vermeer. Leurs premiers entretiens : "Je serai toujours libre pour vous". Swann chez les Verdurin. Le docteur Cottard. Swann fait excellente impression. La sonate en fa dièse. Le canapé de Beauvais. La phrase de la sonate déjà entendue par Swann l'année précédente. Le Vinteuil de la sonate et celui de Combray. Swann jugé d'abord charmant par Mme Verdurin. Mais ses "amitiés puissantes" produisent sur elle mauvais effet. La petite ouvrière ; Swann ne consent à retrouver Odette qu'après dîner. La petite phrase de Vinteuil, "air national de leur amour". Le thé chez Odette, les chrysanthèmes. Odette et la Zéphora de Botticelli ; Odette, oeuvre florentine. Lettre amoureuse d'Odette écrite à la Maison Dorée, le jour de la fête de Paris-Murcie. - Un soir, Swann arrive chez les Verdurin après le départ d'Odette ; recherche angoissée dans la nuit ; il découvre le besoin qu'il a d'elle. Il la retrouve ; prétexte qu'elle donne de son absence. Les catleyas ; elle devient sa maîtresse. "Faire catleya". - Soirs de clair de lune où il se rend chez elle, rue Lapérouse. Son incuriosité. - Vulgarité d'Odette ; son idée du "chic". Swann se plaît à adopter ses goûts et juge les Verdurin des "êtres magnanimes". - Pourquoi, cependant, il n'est pas un vrai "fidèle". Un "nouveau", le comte de Forcheville. - Un dîner chez les Verdurin : Brichot, le peintre. Mme Cottard et la salade de Francillon. Révélations de Forcheville sur les fréquentations aristocratiques de Swann. Saniette. La petite phrase. Swann ignore encore la disgrâce dont il est menacé. - Sa jalousie : un soir, renvoyé par Odette à minuit, il revient chez elle et se trompe de fenêtre. - Lâche exécution de Saniette par Forcheville ; sourire complice d'Odette. - Un après-midi, Odette étant chez elle, sa porte reste fermée à Swann ; elle ment pour s'excuser. Trouble qui, chez Odette, accompagne le mensonge. Swann déchiffre à travers l'enveloppe une lettre d'elle à Forcheville. Sa jalousie a maintenant un aliment - Les Verdurin organisent en-dehors de Swann une partie à Chatou. Son indignation contre eux. Swann exclu de leur salon.
Les scènes de Swann. Swann ira-t-il à Dreux ou à Pierrefonds pour la retrouver ? Attente dans la nuit. Tranquilles soirées chez Odette avec Forcheville. Retour de la douleur. Le projet de Bayreuth : la tendresse succède à la jalousie. Résolutions éphémères de rester quelque temps sans voir Odette. L'amour, comme la mort, nous fait interroger plus avant le mystère de la personnalité : Charles Swann et "le fils Swann". - Swann, Odette, Charlus et l'oncle Adolphe. Le passé d'Odette à Bade et à Nice. - Désir de la mort. - Swann évite de confronter à l'Odette d'aujourd'hui l'Odette amoureuse d'autrefois. Cette confrontation se fera en lui, malgré lui, à la soirée de Mme de Saint-Euverte.
Une soirée chez la marquise de Saint-Euverte. Charlus et Odette. Détaché, par son amour et sa jalousie, de la vie mondaine, Swann peut l'observer en elle-même, "comme une suite de tableaux" : les valets de pied, les monocles ; la marquise de Cambremer et la vicomtesse de Franquetot écoutant le Saint-François de Liszt ; Mme de Gallardon, cousine dédaignée des Guermantes. Arrivée de la princesse des Laumes ; son esprit ; sa conversation avec Swann. Swann présente la jeune Mme de Cambremer (Mlle Legrandin) au général de Froberville. - Brusquement, dans ce milieu si étranger à Odette, la petite phrase de Vinteuil, sans pitié pour la détresse présente de Swann, lui rend tous les souvenirs du temps où Odette l'aimait. Le langage de la musique. En lui faisant revivre le temps de l'amour d'Odette, la petite phrase apprend à Swann que cet amour ne renaîtra jamais.
L'agonie de l'amour. Le Mahomet II de Bellini. Une lettre anonyme. Lecture du journal : Les Filles de marbre, Beuzeville-Bréauté. Odette et les femmes. L'interrogatoire. La possession, toujours impossible, d'un autre être. Dans l'île du Bois, au clair de lune. Un nouveau cercle de l'enfer. La terrible puissance recréatrice de la mémoire. Odette chez des entremetteuses. Déjeunait-elle avec Forcheville à la Maison Dorée, le jour de la fête de Paris-Murcie ? Elle était avec Forcheville, et non à la Maison Dorée, le soir où Swann l'avait cherchée chez Prévost. Ce que nous croyons notre amour, notre jalousie, se compose "d'une infinité d'amours successifs, de jalousies différentes". Elans suspects d'Odette. "Belle conversation" dans une maison de rendez-vous. Odette en croisière avec les "fidèles". Mme Cottard assure à Swann qu'Odette l'adore. L'amour de Swann le quitte ; il ne souffre plus en apprenant que Forcheville a été l'amant d'Odette. Retour de sa jalousie dans un rêve. Départ pour Combray : il y reverra le jeune visage de Mme de Cambremer qui lui a semblé charmant chez Mme de Saint-Euverte. "Les jalons d'un bonheur qui n'existe pas encore, posés à côté de l'aggravation d'un chagrin dont nous souffrons". L'image première d'Odette revue dans son rêve : il a voulu mourir pour une femme "qui n'était pas son genre !"
Troisième partie : Noms de Pays : Le Nom
Rêves sur des noms de pays. Les chambres de Combray. La chambre du Grand Hôtel de la Plage à Balbec. Le Balbec réel et le Balbec rêvé. "Le beau train généreux d'une heure vingt-deux". Rêve de printemps florentin. Les mots et les noms. Noms de villes normandes. Projet manqué de voyage à Florence et à Venise. Le médecin m'interdit de voyager et d'aller entendre la Berma ; il prescrit des sorties aux Champs-Elysées sous la surveillance de Françoise.
Aux Champs-Elysées. "Dans ce jardin public rien ne se rattachait à mes rêves". Une fillette aux cheveux roux ; le nom de Gilberte. Les parties de barres. Quel temps fera-t-il ? Jours de neige aux Champs-Elysées. La lectrice des Débats (Mme Blatin). L'apparition de Gilberte. Ces moments auprès de Gilberte, si impatiemment attendus, "n'étaient nullement des moments heureux". Marques d'amitié : la bille d'agate, la brochure de Bergotte sur Racine ; "vous pouvez m'appeler Gilberte" ; pourquoi elles ne m'apportent pas le bonheur espéré. Journée de printemps en hiver : allégresse et déception. Le Swann de Combray est devenu un personnage nouveau : le père de Gilberte. Gilberte m'annonce avec une joie cruelle qu'elle ne reviendra pas avant le 1er janvier aux Champs-Elysées. En attendant une lettre d'elle, je relis la brochure de Bergotte qu'elle m'a donnée. "Dans mon amitié avec Gilberte, c'est moi seul qui aimais". Le nom de Swann. Swann rencontrant ma mère aux Trois Quartiers lui parle des Champs-Elysées. Pèlerinage avec Françoise à la maison des Swann, près du Bois.
Mme Swann au Bois. Traversée du Bois un matin de fin d'automne en 1913. On ne peut retrouver dans la réalité les tableaux de la mémoire.
2. A l'ombre des jeunes filles en fleurs
Première partie : Autour de Mme Swann
Un nouveau Swann : le mari d'Odette. Un nouveau Cottard : le professeur Cottard.
Norpois ; "l'esprit du gouvernement" ; la conversation d'un ambassadeur. "Les quoique sont toujours des parce que méconnus". Norpois conseille à mon père de me laisser faire de la littérature.
J'entends la Berma pour la première fois ; elle joue en matinée les actes II et IV de Phèdre. De la Berma, comme de Balbec, de Venise, autres objets de mes rêves, j'attendais la révélation de vérités appartenant à un monde plus réel que celui de ma vie contingente : le monde de mon esprit. Cette première matinée fut une grande déception. Françoise et Michel-Ange. La salle et la scène. Clairvoyance et méprises de la foule.
Norpois, le même jour, dîne chez mes parents. Les couplets de Norpois : la littérature, les placements financiers ; la Berma ; la daube de Françoise ; la visite à Paris du roi Théodose ; l'église de Balbec ; Mme Swann ; Odette et le comte de Paris ; Bergotte ; mon poème en prose ; Gilberte. - Ceux de nos gestes que nous croyons inaperçus. Pourquoi Norpois ne parlera pas de moi à Mme Swann.
Comment j'en vins à dire de la Berma : "Quelle grande artiste !". Effroi de me sentir soumis aux lois du temps. Effet produit par Norpois sur mes parents, sur Françoise ; jugements de celle-ci sur les restaurants parisiens.
Visites du 1er janvier. Je propose à Gilberte de bâtir une amitié neuve ; mais, le soir même, je comprends que le jour de l'an n'est pas le premier jour d'un monde nouveau. La Berma et l'amour. Interférence des désirs. Les palais de Gabriel et le décor d'Orphée aux enfers. Je ne peux retrouver le souvenir du visage de Gilberte. Retour de Gilberte aux Champs-Elysées. "Mes parents ne vous gobent pas !". J'écris à Swann. Réveil, dû à la mémoire involontaire, dans le petit pavillon des Champs-Elysées, des impressions éprouvées à Combray dans le petit cabinet de repos de l'oncle Adolphe. Lutte amoureuse avec Gilberte. Je tombe malade. Le coup d'oeil de Cottard.
Une lettre de Gilberte. Miracles heureux et malheureux en amour. Comment Bloch et Cottard déterminent, à leur insu, un changement favorable à mon égard dans l'attitude des parents de Gilberte. L'appartement des Swann s'ouvre pour moi ; le concierge ; les fenêtres. Le papier à lettres de Gilberte. L'escalier Henri II. Abolition de la pensée et de la mémoire. Le gâteau au chocolat. Mme Swann fait l'éloge de Françoise : "votre vieille nurse". Au coeur du Sanctuaire : la bibliothèque de Swann, la chambre de sa femme. Le "jour" d'Odette. La "fameuse Albertine", nièce des Bontemps. Evolution de la société. Pourquoi Odette n'a pu encore pénétrer dans le faubourg Saint-Germain. Expériences de sociologie amusante. Ancienne jalousie et nouvel amour de Swann.
Sorties avec les Swann. Déjeuner chez eux. Odette joue pour moi la sonate de Vinteuil. L'oeuvre de génie crée elle-même sa postérité. Ce que la petite phrase montre maintenant à Swann. "Moi négro, mais toi chameau !". Joie imparfaite que donne un désir trop exactement réalisé : la salle à manger de Swann. Charme persistant du salon composite de Mme Swann, de sa baie ensoleillée. La princesse Mathilde. Attitude imprévue de Gilberte.
Déjeuner chez les Swann avec Bergotte. Le doux Chantre aux cheveux blancs et l'homme au nez en forme de colimaçon et à barbiche noire. Les noms, dessinateurs fantaisistes. La voix d'un écrivain et son style. Bergotte et ses imitateurs. Beauté imprévisible des phrases d'un grand écrivain. L'accent de l'écrivain, révélateur de sa nature profonde. Le génie, pouvoir réfléchissant. Vices de l'homme et moralité de l'écrivain. Bergotte et la Berma. Une idée forte communique un peu de sa force au contradicteur. Remarque de Swann, prélude au thème de La Prisonnière. Les deux natures de ses parents en Gilberte. Confiance de Swann en sa fille. Le "Tu le savais" de Phèdre, IV, 6. Mes plaisirs sont-ils des plaisirs de l'intelligence ? Pourquoi Swann, selon Bergotte, aurait besoin d'un bon médecin. La société de Combray et le monde. Revirement de mes parents au sujet de Bergotte et de Gilberte ; une difficulté de protocole.
Révélations sur l'amour ; Bloch me conduit chez une médiocre entremetteuse. "Rachel quand du Seigneur". Les meubles de ma tante Léonie dans la maison de passe. Initiation amoureuse à Combray sur le canapé de ma tante Léonie. C'est en vue d'un plaisir éphémère qu'on prend des résolutions définitives. Projets de travail sans cesse ajournés.
Impossibilité du bonheur dans l'amour. Dernière visite à Gilberte. Je décide de ne plus la voir. Colère injuste contre le maître d'hôtel des Swann. Attente d'une lettre. Je crois renoncer à Gilberte ; mais un espoir de réconciliation se superpose à ma volonté de renoncement. L'intermittence, loi de l'âme humaine.
Le "jardin d'hiver" d'Odette. Splendeur des chrysanthèmes et pauvreté de la conversation : Mme Cottard ; Mme Bontemps ; effronterie de sa nièce Albertine ; le prince d'Agrigente ; Mme Verdurin. Je ne pus jamais dans ce salon goûter les plaisirs de novembre dont les chrysanthèmes m'offraient l'image.
Premier janvier particulièrement douloureux. Suicide du moi qui en moi-même aimait Gilberte. Interventions maladroites. Lettres à Gilberte : "On ne parle que pour soi-même". Salon d'Odette : recul de l'Extrême-Orient et invasion du XVIIIe siècle. Coiffures et silhouettes nouvelles.
Une brusque impulsion vient interrompre la cure de détachement ; la potiche chinoise de ma tante Léonie. Deux promeneurs dans l'ombre élyséenne. Impossibilité du bonheur. Forces opposées du souvenir et de l'imagination. A cause de Gilberte je refuse d'aller à un dîner où j'aurais vu Albertine. Cruauté du chagrin ranimé par des souvenirs. Celui d'un certain rire de Gilberte, évoqué par un rêve, me montre combien le calme où je croyais être arrivé est trompeur et précaire. Ce calme revient pourtant. Visites beaucoup plus rares à Mme Swann. Echange de lettres tendres et progrès de l'indifférence. Approche du printemps : zibeline de Mme Swann et "boules de neige" dans son salon ; nostalgie de Combray. Apparition d'Odette au "Club des Pannés". Une classe sociale intermédiaire.
Deuxième partie : Noms de pays : le pays.
(Premier séjour à Balbec ; jeunes filles au bord de la mer)
Deux ans plus tard, arrivé à une presque complète indifférence à l'égard de Gilberte, je pars pour Balbec avec ma grand-mère et Françoise. Subjectivité de l'amour. Brèves résurrections du moi ancien, dues au réveil de sensations oubliées. Effets contradictoires de l'habitude. Les gares, lieux merveilleux et tragiques. Goût infaillible et naïf de Françoise. Les hommes supérieurs du monde des simples d'esprit. Euphorie de l'alcool ; inquiétudes de ma grand-mère. Mme de Sévigné et Elstir. Laissant ma grand-mère chez une amie, je reprends le train seul pour aller voir l'église de Balbec. Lever de soleil en chemin de fer : une laitière vue dans une gare. L'église de Balbec n'est pas au bord de la mer, mais sur une place provinciale. La Vierge du porche "soumise à la tyrannie du Particulier". Noms de stations précédant Balbec-Plage et de villages voisins de Combray.
Arrivée à Balbec-Plage. Le lieu de supplice qu'est une demeure nouvelle. Le directeur du Grand-Hôtel. L'ascenseur. Ma chambre au sommet de l'hôtel. L'attention et l'habitude. Bonté de ma grand-mère. Résistance de notre moi à la mort, dût-elle être suivie d'une résurrection en un moi différent. La mer au matin : la lumière ; le vent. Touristes de Balbec. Balbec et Rivebelle. Mme de Villeparisis ; son isolement volontaire. Morgue de M. et de Mlle de Stermaria. Une actrice et ses trois amis formant bande à part. Pour moi, au contraire, je voudrais plaire à beaucoup des inconnus qui m'entourent. La garden-party hebdomadaire des Cambremer. Ressemblances. Mlle de Stermaria : poésie, enclose en elle, d'un château romanesque, d'une île bretonne. Le directeur général des palaces. Relations de Françoise au Grand-Hôtel. Mme de Villeparisis et ma grand-mère finissent par s'aborder. Le "moment sordide" qui suit le repas. La Princesse de Luxembourg. Mme de Villeparisis tenue au courant par les lettres de Norpois du voyage que mon père fait avec lui en Espagne. Bourgeoisie et faubourg Saint-Germain.
Promenades en voiture avec Mme de Villeparisis. La mer ou plutôt les mers : "je ne vis jamais deux fois la même". L'église de lierre. La conversation de Mme de Villeparisis. Jeunes filles normandes. La belle pêcheuse. Les trois arbres d'Hudimesnil : quel souvenir, quel secret se cache en eux ? Cette fois, la question reste sans réponse. La grosse duchesse de La Rochefoucauld. Les qualités mondaines et le génie.
Avec ma grand-mère : elle savait, et je ne soupçonnais pas, qu'elle était perdue.
Robert de Saint-Loup, neveu de Mme de Villeparis. Fécondité de l'âge ingrat. Amitié de Saint-Loup. Mais le seul vrai bonheur, qui est d'extraire de soi-même ce qui y est caché, requiert la solitude. Saint-Loup vu du dehors comme une oeuvre d'art : le noble. - Une colonie juive. Variété des défauts et similitude des vertus. Mauvaises manières de Bloch. Bloch expliqué par son père. Le stéréoscope. - Mme de Villeparisis est une Guermantes.
Etrange manège de Charlus. Je reconnais en lui le monsieur du raidillon de Tansonville. Nouvelle bizarrerie dans la conduite de Charlus. Mme de Sévigné, La Fontaine et Racine. Charlus vient dans ma chambre. Ses propos surprenants, le lendemain.
Dîner chez les Bloch avec Saint-Loup. La création, supérieure à l'observation. Il y avait un père Bloch enclavé en son fils. Connaître "sans connaître". Bloch admiré de ses soeurs. Bergotte jugé par le père Bloch. Le chic de "l'oncle Salomon". "Une recommandation de sir Rufus". L'oncle Nissim Bernard, souffre-douleur du père Bloch ; ses mensonges. Bloch et Mme Swann dans le train de ceinture. Bloch et Saint-Loup jugés par Françoise. - Saint-Loup et sa maîtresse ; ce qu'il lui doit. Pourquoi elle l'a pris en horreur. - Conduite inexplicable de ma grand-mère.
Les jeunes filles en fleurs. "C' pauvre vieux, i m' fait d'la peine". Peu à peu leurs traits s'individualisent. La cycliste brune aux yeux rieurs, aux grosses joues mates, au polo noir, au langage voyou : Albertine. Désir de posséder leur vie inaccessible. Le nom de Simonet. - Repos avant le dîner du soir : tableaux différents de la mer. - Dîners à Rivebelle. Oubli de l'oeuvre à produire. L'harmonie des tables astrales. Euphorie due à l'alcool et à la musique. - Rencontre d'Elstir. Nouvel aspect d'Albertine.
L'atelier d'Elstir ; ses marines ; les "métaphores" du peintre ; Le Port de Carquethuit. Elstir me révèle la beauté, que je n'avais pas su voir, de l'église de Balbec. Le rêve et la vie. Passage d'Albertine. Le portrait de Miss Sacripant. "Ma belle Gabrielle !". L'artiste vieillissant cherche dans la vie la Beauté qu'il n'a plus la force d'extraire de lui-même. - Par amour-propre, je m'expose pour les autres. - La bande des jeunes filles : espoir déçu de leur être présenté. Aspect et valeur des autres, modifiés par la croyance. Néant de l'amour. - Miss Sacripant, c'était Mme Swann et M. Biche, Elstir ! "On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même". - Ma grand-mère et Saint-Loup, Saint-Loup et Bloch. - Elstir m'a révélé la beauté des natures mortes. - Matinée chez Elstir. L'intelligence et la volonté. Encore une autre Albertine : la bacchante, la muse orgiaque n'est plus qu'une jeune fille bien élevée. Albertine sur la digue : plus de "bonnes façons", mais les manières "petite bande". Octave, le gigolo. Antipathie d'Albertine pour Bloch. Saint-Loup fiancé à une demoiselle d'Ambresac ? Intelligence d'Albertine : son goût en toilette et en peinture. Andrée. Gisèle.
Journées avec les jeunes filles. Identité de nos amours successives. Mauvaise humeur de Françoise. Je ne veux plus voir Balbec dans les brumes dont mes rêves l'enveloppaient, mais dans la lumière d'Elstir, avec des régates, des courses de chevaux. Les étoffes de Fortuny. Une esquisse des Creuniers. L'amitié est une abdication de soi. - Pépiement des jeunes filles. Lettre de Sophocle à Racine. - Amour indivis entre plusieurs figures. Confrontation du souvenir à une réalité toujours nouvelle. Albertine préférée. La partie de furet. Les aubépines retrouvées. Bonté douteuse d'Andrée. Les Creuniers. - Albertine passe une nuit au Grand-Hôtel. Le baiser refusé. - Attraction exercée par Albertine. - Le système des "fins multiples". - Sentiment d'estime morale qui subsistera au milieu de mon amour pour Albertine. Souffrances qu'entraîne une erreur initiale sur la personne aimée. - Visages irréductibles les uns aux autres. Les différentes Albertines. Les créatures surnaturelles sont devenues de simples jeunes filles, mais quelque chose subsiste en elles de leur premier mystère.
L'hôtel va fermer. - Départ. Balbec est devenu, dans l'arrière-saison, humide et froid comme dans mes premiers rêves, mais ma mémoire ne le revoit plus qu'au grand jour de l'été dans sa robe d'or.
I
L'Age des Noms : la duchesse de Guermantes. A Paris. Installation dans un nouvel appartement dépendant de l'hôtel de Guermantes. Tristesse de Françoise ; joie de son jeune valet de pied. Françoise s'habitue cependant au nouvel immeuble dans lequel nous sommes venus habiter à cause de la santé de ma grand-mère.
La poésie des noms s'attache aussi bien aux lieux qu'aux personnes. Les rêves dont l'imagination emplissait le nom de Guermantes en sont chassés l'un après l'autre par l'usage. On peut retrouver leur charme en revenant sur le passé : évocation du mariage de Mlle Percepied, évocation du maréchal de Guermantes. Images successives du nom : le château médiéval, l'h^tel, les fêtes. Françoise observe les Guermantes. Le déjeuner des domestiques. Plaintes de Françoise, nostalgique de Combray. Son nouvel ami Jupien ; ses idées sur la richesse et la vertu, son intérêt pour la famille Guermantes. Douceur de la vie à Combray comparée à celle que l'on mène à Paris. Fin du déjeuner.
Mme de Guermantes a "la plus grande situation dans le faubourg Saint-Germain". Elle n'est pourtant qu'une femme semblable aux autres. Le paillasson du vestibule de son hôtel est le seuil d'un monde mystérieux. Le duc de Guermantes considère les habitants de l'immeuble comme des manants. Les occupations de Mme de Guermantes : l'opéra, les villégiatures.
Une soirée d'abonnement de la princesse de Parme. La Berma doit jouer un acte de Phèdre à l'Opéra. Son art ne m'intéresse plus. Je vais cependant à la soirée pour tenter d'apercevoir Mme de Guermantes. Au contrôle, un homme ressemble au prince de Saxe. Description des spectateurs de l'orchestre : snobs, curieux, un étudiant génial. Description des loges et des baignoires : dans l'obscurité, les aristocrates apparaissent comme des déités vivant au fond de la mer. La princesse de Guermantes. Début de la représentation. La vieille dame jalouse de la Berma. Le talent de la Berma ne fait qu'un avec son rôle. Je comprends enfin son génie, qui est de créer en interprétant. Début d'une seconde pièce. Arrivée de la duchesse de Guermantes. Elégances différentes de la princesse et de la duchesse. Mme de Cambremer rêve d'être reçue chez la duchesse. Le sourire de la duchesse.
Je guette le passage de Mme de Guermantes dans ses promenades matinales. Apparitions successives de son visage. Altération du caractère de Françoise : sa gentillesse est-elle sincère ? Mon manège quotidien déplaît à Mme de Guermantes. Pour tenter de me rapprocher d'elle, je décide d'aller voir Saint-Loup dans sa garnison.
Doncières. Accueil de Saint-Loup "préoccupé de me voir passer seul cette première nuit". Impression de sérénité dans sa chambre. Différentes qualités du bruit et du silence. Le capitaine m'autorise à dormir près de Saint-Loup. La photographie de Mme de Guermantes. Paysage de Doncières, le matin.
L'hôtel de Flandre, un "féérique domaine". Les divers sommeils et le rêve. Réveils. Le service en campagne : je suis les manoeuvres "pendant plusieurs jours". Le quartier de cavalerie. Saint-Loup est très aimé des jeunes engagés. Promenade dans la ville nocturne.
Dîner avec Saint-Loup et ses amis. Je lui demande de m'introduire auprès de Mme de Guermantes et de me donner la photographie de celle-ci. L'amitié admirative de Saint-Loup qui veut me faire briller devant ses camarades. Il dément le bruit de ses fiançailles avec Mlle d'Ambresac. Le sous-officier dreyfusard. Le commandant Duroc. L'affaire Dreyfus et l'armée. Discussions sur la stratégie : une bataille est l'expression d'une idée. Ces théories "me rendaient heureux". Y a-t-il une esthétique, un art militaires ? Prévisions sur une future guerre. La découverte du général sous le particulier. "Le plaisir d'être là", l'oubli des préoccupations extérieures.
Le souvenir de Mme de Guermantes est parfois oppressant. Brouille entre Saint-Loup et sa maîtresse. La force cruelle du silence et les souffrances liées à l'incertitude. Un rêve de Saint-Loup. La rupture est évitée. Un prétexte pour rendre visite à Mme de Guermantes : désir de voir ses tableaux d'Elstir. Le prince de Borodino et son coiffeur. Les divers mérites des officiers. Le prince de Borodino et Saint-Loup : deux noblesses qui s'affrontent.
Appel téléphonique de ma grand-mère. Les demoiselles du téléphone. Le miracle de la voix entendue à travers la distance. "Un besoin anxieux et fou de revenir" auprès de ma grand-mère. Etrange salut de Saint-Loup. Discussion avec un groupe de soldats du rang. Le départ du régiment.
Retour à Paris. Je découvre combien la maladie a changé ma grand-mère. Pressentiment de la mort. Mme de Guermantes ne m'invite pas à voir les tableaux d'Elstir. L'hiver finit. Promenades matinales qui croisent le chemin de la duchesse. "La rue est à tout le monde". Rêve et sommeil de l'après-midi. Brève visite de Saint-Loup. Corruption du parler de Françoise. Souvenir d'un projet de voyage en Italie. Mon père se résigne à me voir devenir écrivain. La page blanche inéluctable. Mon père change d'avis sur M. de Guermantes et me conseille de fréquenter le salon de Mme de Villeparisis. Son étrange rencontre avec Mme Sazerat, devenue dreyfusarde.
A Paris avec Saint-Loup. Saint-Loup vient en permission à Paris. Rencontre de Legrandin qui professe le mépris du monde et des salons. Le printemps commence. Un village des environs de Paris, où habite la maîtresse de Saint-Loup. Saint-Loup est prêt à tout sacrifier pour elle. Il veut lui offrir un collier de Boucheron. Les cerisiers et les poiriers en fleurs. La maîtresse de Saint-Loup n'est autre que "Rachel quand du Seigneur". Elle est interpellée par deux "poules". Peut-être Saint-Loup a-t-il alors la révélation de la vraie personnalité de la femme qu'il aime. Rachel émue par le sort de Dreyfus. Au restaurant, jalousie de Saint-Loup. Aimé, maitre d'h^tel de Balbec. Conversation littéraire avec Rachel. Sa malveillance. M. de Charlus cherche son neveu. Dispute entre Rachel et Saint-Loup. Celui-ci va se réfugier dans un cabinet particulier où il nous fait appeler. La querelle est oubliée. Joie de l'ivresse.
Au théâtre. Les "individualités éphémères et vivaces que sont les personnages d'une pièce". L'acharnement de Rachel contre une débutante. Sur la scène, Rachel se métamorphose. Dans les coulisses. Explication de l'étrange salut de Doncières. Le danseur poursuivant son rêve au milieu de la foule éveille de nouveau la jalousie de Saint-Loup qui menace de garder le collier de Boucheron. Cruauté de Rachel. Robert gifle un journaliste, puis corrige un "promeneur passionné" qui lui a fait des propositions.
Le salon de Mme de Villeparisis.
Sa déchéance mondaine due à son intelligence d'artiste. La grâce de sa conversation et de ses Mémoires. Son désir de reconstituer un salon brillant et d'y attirer Mme Leroi. Elle reste étrangère à l'affaire Dreyfus. Bloch et "l'admirable puissance de la race". Souvenirs de Mme de Villeparisis sur Decazes et Molé. La "plaisanterie stupide" du duc de Guermantes : fausse visite de la reine de Suède. L'illusion que donnent des Mémoires sur l'importance réelle d'un salon. La dame à coiffure blanche de Marie-Antoinette. Les trois Parques du faubourg Saint-Germain. Le portrait de la duchesse de Montmorency. Entrée de la duchesse de Guermantes. Les flagorneries de Legrandin. Relations de Mme de Guermantes et de Mme de Cambremer. Faux-fuyants de Legrandin. Je ne retrouve pas dans le visage de Mme de Guermantes le mystère de son nom. Elle invite des "hommes d'élite" à déjeuner et évite d'aborder avec eux des sujets intellectuels. Son influence sur les écrivains. Sa conversation semble futile. Elle connaît Bergotte et le trouve "spirituel". Mme de Villeparisis peint des fleurs. Maladresse et insolence de Bloch qui renverse le vase. Désinvolture de Mme de Villeparisis dans ses rapports avec ses parents princiers. Sir Rufus Israëls. Langage homérique et mauvaise éducation de Bloch. Entrée de M. de Norpois. Ses goûts littéraires et picturaux. Entrée de M. de Guermantes. Je demande à M. de Norpois d'appuyer la candidature de mon père à l'Académie des sciences morales et politiques. Mme de Guermantes philosophe sur le mystère de l'amour. Son jugement sur Les Sept Princesses de Maeterlinck, sur Rachel et sur Mme de Cambremer. M. de Norpois et Bloch parlent de l'affaire Dreyfus. Les lois de l'imagination et du langage. Le dreyfusisme de Saint-Loup choque le faubourg Saint-Germain. Le duc de Guermantes humilie l'historien de la Fronde. Suite de la conversation entre Bloch et Norpois sur l'Affaire. Le bal de Mme de Sagan. Péroraison de Norpois sur l'Affaire. Insolence de M. d'Argencourt. L'archiviste prend Bloch pour un espion dreyfusard. Mme de Villeparisis met Bloch à la porte de son salon en feignant de s'être assoupie. Nouvelles réflexions ironiques sur les Sept Princesses. Entrée de Mme de Marsantes, mère de Saint-Loup, sainte du faubourg Saint-Germain. Mme Swann et l'affaire Dreyfus. Entrée de Saint-Loup et joie de sa mère. Mme de Guermantes me parle. Le prince de Faffenheim-Munsterburg-Weinigen. Son nom m'évoque une petite ville d'eaux allemande. Les démarches qu'il a entreprises auprès de M. de Norpois pour se faire élire à l'Institut. Entrée de Mme Swann et départ précipité de Mme de Guermantes qui ne souhaite pas la rencontrer. Entrée de Charlus. Evocation d'une visite de Morel, fils du valet de chambre de mon oncle ; les photographies d'actrices : la "dame en rose" était Odette. L'admiration de Charlus pour Mme Swann. Le mandat télégraphique de Mme de Villeparisis ; les brouilles intermittentes. Je vais saluer M. de Charlus. Révélations de Mme Swann sur Norpois. Le "dédain affecté" de Mme de Villeparisis pour Mme Leroi. Evocation de M. de Schlegel. J'apprends que Charlus est le frère du duc de Guermantes. Saint-Loup a des remords à propos du collier de Boucheron refusé à Rachel ; il décide d'aller la rejoindre pour se faire pardonner. Chagrin de Mme de Marsantes. Mme de Villeparisis me déconseille de partir avec Charlus.
Charlus s'offre à diriger ma vie. Il tient des propos "affreux et presque fous" sur la famille de Bloch et sur les Juifs, puis me propose à nouveau de me confier son héritage spirituel. Il semble contrarié par la rencontre de M. d'Argencourt. Il me demande de ne plus aller dans le monde. La famille Villeparisis et M. Thirion. Mise en garde contre les jeunes gens. Etrange choix d'un fiacre.
Discussion sur l'affaire Dreyfus entre le maître d'hôtel des Guermantes et le nôtre.
Maladie de ma grand-mère. Cottard à son chevet. "Croire à la médecine serait la suprême folie, si n'y pas croire n'en était pas une plus grande". Le thermomètre. Le docteur du Boulbon prétend que cette maladie est purement nerveuse. Le neurasthénique grand poète. Les nerveux forment une "famille magnifique et lamentable qui est le sel de la terre". Du Boulbon nous a rassurés. Dans une lettre, Saint-Loup m'accuse de perfidie. Promenade aux Champs-Elysées avec ma grand-mère. La "marquise" du petit pavillon et le garde forestier. Démarche saccadée de ma grand-mère ; elle vient d'avoir une "petite attaque".
II
Chapitre premier
Maladie de ma grand-mère. Avenue Gabriel, rencontre du professeur E***. Bien que pressé, il accepte d'examiner ma grand-mère. L'approche silencieuse et discrète de la mort ; son apparition soudaine. Comment on s'habitue à sa présence. Devant ma grand-mère, le professeur est rassurant. Il déclare ensuite qu'elle est perdue. "Chaque personne est bien seule". De retour à la maison, le désespoir muet de ma mère ; le regard indiscret de Françoise. Premiers faux serments faits à la malade. Le dévouement de Françoise. Cottard prescrit de la morphine. Ma grand-mère dissimule ses souffrances. Le travail de statuaire de la maladie. Pour le spécialiste X, toute affection est une "maladie de nez mal comprise". Réactions de diverses personnes. Les soeurs de ma grand-mère retenues à Combray par un musicien qu'elles ont découvert. Visites quotidiennes de Bergotte, malade : ses oeuvres s'acheminent vers la renommée ; je l'admire moins qu'avant, car j'ai découvert un "nouvel écrivain". Il faut du temps pour qu'un artiste original, comme Renoir, soit reconnu. Les progrès de la littérature et ceux de la science. Bergotte me dégoûte du "nouvel écrivain". Visite de Mme Cottard. Les attentions du grand-duc héritier de Luxembourg. Particularités du code de politesse de Françoise. Ses idées sur les cures luxueuses. Ma grand-mère souffre de troubles de la vue, puis de l'ouïe. Elle tente de se suicider. Françoise veut la coiffer. La congestion du cerveau augmente. Les sangsues. Ma mère me réveille au milieu de la nuit. Une bête semble avoir pris la place de ma grand-mère. Le duc de Guermantes vient présenter des condoléances anticipées. Ma mère ne répond pas à son salut. Visite de Saint-Loup. Un religieux prie au chevet de ma grand-mère et m'épie. Le souffle de la malade dégagé par l'action de la morphine et de l'oxygène. Manifestations du chagrin de Françoise. Un de nos cousins assidu auprès des mourants. Le docteur Dieulafoy appelé "non pour soigner mais pour constater". Déclin de ma grand-mère. L'agonie. Sa mort lui redonne sa jeunesse.
Chapitre deuxième
Visite d'Albertine. Réveil, un dimanche d'automne : "je venais de renaître". La brume : souvenirs de Doncières. Mes parents sont à Combray ; projets de divertissement pour la soirée. J'ai fait porter une lettre à Mme de Stermaria. Saint-Loup a rompu avec Rachel. Il m'a écrit du Maroc pour m'encourager à inviter Mme de Stermaria, qui a divorcé. Françoise introduit Albertine dans ma chambre. Le désir de Balbec ou le désir d'Albertine. Sacrifier sa vie aux femmes. La jeune fille a mûri. Je ne l'aime pas, mais elle peut m'apporter du plaisir. Les nouveautés que je découvre dans son vocabulaire sont encourageantes : "sélection", "à mon sens", "mousmé". Chatouillements sur le lit. Françoise, une lampe à la main, entre dans la chambre. Sa "connaissance instinctive et presque divinatoire" de mes actes et de mes pensées. Les paroles, les silences, les signes par lesquels elle manifeste sa désapprobation. Françoise sortie, Albertine me fait comprendre que je peux l'embrasser. "Confrontation d'images empreintes de beauté" : la jeune fille imaginaire et désirée à Balbec, la jeune fille réelle et refusant le baiser, la jeune fille réelle, désirée et "facile", de Paris. Les "bons pour un baiser". La saveur décevante du baiser : les lèvres, organes imparfaits, et la joue. Changements de perspective lorsque mon visage s'approche de celui d'Albertine. Pourquoi elle m'accorde à Paris ce qu'elle m'a refusé à Balbec. Le plaisir matériel ; Albertine, comme Françoise, est "une des incarnations de la petite paysanne française" de Saint-André-des-Champs. Ses notions sociales : Robert Forestier et Suzanne Delage. Après le départ d'Albertine, Françoise m'apporte une lettre de Mme de Stermaria qui accepte à dîner pour mercredi.
Soirée chez Mme de Villeparisis. Dès mon arrivée, je vois Mme de Guermantes, mais ma mère m'a guéri de mon amour pour elle. Mes pérégrinations matinales ont changé de but : je cherche une nouvelle boutique pour Jupien. Diverses rencontres lors de mes promenades : Norpois qui reste distant, une grande femme qui me sourit. Mme de Guermantes vient s'asseoir à côté de moi et m'invite à dîner "en petit comité" pour vendredi. Les raisons de sa curiosité : l'amitié que me témoigne sa famille, ma qualité d' "étranger". Quand je lui dis que je connais le baron de Charlus, elle répond qu'il ne lui a jamais parlé de moi et qu'il est "un peu fou". Départ de Mme de Guermantes. La faculté qu'elle a d'oublier ses griefs. Charlus refuse de saluer Bloch.
Mme de Stermaria. L'attente du plaisir. Evocation d'une ancienne promenade au Bois. Mme de Stermaria associée aux brumes de la Bretagne. Le mardi, Albertine me rend visite ; je lui demande de m'accompagner au Bois où je vais retenir un cabinet pour le dîner du lendemain. Albertine pourrait venir à la fin de la soirée si Mme de Stermaria ne se donne pas, mais cette précaution est inutile. "Notre vie sociale est, comme un atelier d'artiste, remplie des ébauches délaissées où nous avions cru un moment pouvoir fixer notre besoin d'un grand amour". Le lendemain est un jour de brume. Je me prépare pour le dîner. Mme de Stermaria écrit qu'elle ne pourra venir. "Ma déception, ma colère, mon désir désespéré de ressaisir celle qui venait de se refuser". Je sanglote sur les tapis enroulés de la salle à manger.
Le soir de l'amitié. Arrivée de Saint-Loup qui m'invite au restaurant. Critique de l'amitié. Souvenirs des dîners de Doncières. Nous sortons. Enthousiasme suscité par le brouillard. L'amitié me détourne de "la vocation invisible dont cet ouvrage est l'historie". En voiture, Saint-Loup m'apprend qu'il a dit à Bloch que je ne l'aimais "pas du tout tant que ça". Nous arrivons au restaurant, dont la clientèle est composée de deux coteries : les intellectuels dreyfusards et les jeunes nobles. Je franchis, seul, la porte tambour ; le patron me chasse de la salle réservée à l'aristocratie. Chaque arrivant raconte comment il s'est perdu et retrouvé dans le brouillard. L'insolence du prince de Foix. Perspective d'un riche mariage pour quelques amis de Saint-Loup. Certains princes ruinés passent avant tel duc milliardaire. Saint-Loup et trois de ses amis sont appelés "les quatre gigolos". La mentalité du patron de café qui, après l'entrée de Robert, me témoigne davantage de respect. La grâce intellectuelle et physique de mon ami est exclusivement française. Il me présente au prince de Foix. Médisances sur le grand-duc héritier de Luxembourg. Saint-Loup m'apporte un manteau en accomplissant un exercice de voltige sur les banquettes. Conversations sur le Maroc et l'Allemagne. En Robert, j'admire la nature qu'il a héritée de sa race. Plaisir d'amitié et plaisir d'art. Distinction physique et distinction d'esprit.
Dîner chez les Guermantes. Le lendemain, M. de Guermantes me reçoit sur le seuil de l'antichambre. Son langage et sa politesse sont des survivances du passé qui "n'est pas si fugace". Avant d'aller au salon, je demande à admirer les Elstir du duc. Certains tableaux recréent des illusions d'optique "par retour à la racine même de l'impression". Dans deux oeuvres plus réalistes, il a peint l'un de ses amis. Des aquarelles à sujets mythologiques représentent une troisième manière, appartenant en réalité à sa première période. Je quitte le cabinet des Elstir ; un domestique ressemblant à un ministre espagnol me conduit au salon. Le duc et la duchesse me présentant aux invités. Une dame assez petite est la princesse de Parme. J'expulse de son nom "tout parfum stendhalien". La princesse est aimable avec moi par "snobisme évangélique". Une autre dame possède un château non loin de Balbec. M. de Bréauté cherche à savoir si je suis une notabilité. Le "prince Von" ; la manie des surnoms. Le prince d'Agrigente, "vulgaire hanneton", ne correspond pas aux rêves que j'ai formés autour de son nom. M. de Grouchy est absent. L'ordre de servir étant donné, une "fastueuse horlogerie mécanique et humaine" se déclenche : nous passons à table. Les façons de M. de Guermantes et celles décrites par Saint-Simon. La princesse de Parme est persuadée de la supériorité de tout ce qu'elle voit chez les Guermantes. Ceux-ci sont plus précieux et plus rares que le reste de la société. Traits physiques communs aux membres de la famille ; leur flexibilité. Caractéristiques morales : l'intelligence et le talent comptent plus que la naissance. Le "génie de la famille". Comparaison des Guermantes et des Courvoisier. Mme de Villebon snobe la comtesse de G***. Les Guermantes et les Courvoisier se rencontrent dans l'art de marquer les distances. Variétés dans la cérémonie du salut. La parcimonie des Courvoisier et l'art du paraître des Guermantes. La scandaleuse "sortie" d'Oriane sur Tolstoï. Les Courvoisier espéraient qu'elle ferait un mauvais mariage, mais ses théories sur l'intelligence et le talent, seules supériorités sociales, ne l'empêchèrent pas d'épouser l'homme le plus riche et le mieux né. Les Guermantes ne reconnaissent que l'intelligence de ceux qui ont une valeur mondaine. Le duc de Guermantes aide son épouse à défendre la porte de son salon. La princesse de Parme, elle, reçoit de nombreuses personnes. La révérence des femmes devant l'Altesse. Le hall de son hôtel, "musée des archives de la monarchie". Quand la duchesse de Guermantes vient dîner, la princesse choisit ses invités, moins nombreux que d'habitude. Certains intimes de la duchesse sont devenus Guermantes par l'esprit. La fréquentation de son salon a nui à la carrière de quelques-uns d'entre eux. D'autres ont renoncé à toute activité qui ne soit pas mondaine. Les "imitations" de Mme de Guermantes. Sa présence chez la princesse d'Epinay intimide les autres visiteurs. M. de Guermantes se renseigne sur la vicomtesse de Tours, née Lamarzelle. L'exposition des mots de la duchesse : "Taquin le Superbe" est répété pendant une semaine. Son esprit laisse les Courvoisier insensibles. Ils sont incapables d'innover en matière sociale. Relations avec la noblesse d'empire. Les goûts artistiques de la duchesse de Guermantes. Son besoin maladif de nouveautés. La "critique folle" condamne les chefs-d'oeuvre d'un artiste pour louer ses productions les plus insignifiantes. M. de Guermantes met en valeur l'esprit de sa femme. Je comprends le plaisir qu'elle éprouve à émettre des jugements imprévus, en observant la vie politique. Les surprises des séances de la Chambre. Le duc, lorsqu'il était député, était plus simple que tous ses collègues. Oriane n'ira pas au bal travesti du nouveau ministre de Grèce. Elle rompt avec les usages par plaisir de surprendre et de provoquer des commentaires. La "dernière d'Oriane". Les maîtresses de M. de Guermantes, "belles figurantes" du salon de la duchesse, qui recherche souvent en elles des alliées "contre son terrible époux". M. de Guermantes ne l'aime pas et n'a jamais cessé de la tromper. Elle console et reçoit les femmes qu'il a abandonnées. Arrivée tardive de M. de Grouchy. Cruauté de Mme de Guermantes envers le valet de pied fiancé. Elle médit de Mme d'Heudicour, "supérieurement grosse", bête et "rapiate" ; un mot "bien rédigé" à propos de son avarice. M. de Bornier, "académicien empesté". Les Guermantes jugent que "souvent les lettres d'un écrivain sont supérieures au reste de son oeuvre" : Flaubert, confondu avec Paul Bert et Fulbert, et Gambetta. Les goûts du duc de Guermantes qui reconnaît être "vieux jeu" : en littérature, La Fille de Roland de Bornier et Balzac ; en musique, Auber, Beethoven, Mozart, etc., mais Wagner, que défend la duchesse, l'endort. Propos sur la poésie : l'ennuyeuse Mme d'Arpajon, ancienne maîtresse de M. de Guermantes, aime Victor Hugo. Les yeux et la voix de la duchesse citant des vers. Le "désir de prosaïsme" qui lui fait apprécier Mérimée, Meilhac et Halévy. Mme d'Arpajon cite à son tour un vers de Musset qu'elle attribue à Hugo. La duchesse aime les idées en poésie. La dame d'honneur de la princesse de Parme me prend pour un parent de l'amiral Jurien de la Gravière. Un ami des Guermantes est persuadé que je suis intime avec les Chaussegros. Nouveau paradoxe de la duchesse : "Zola n'est pas un réaliste, [...] c'est un poète". Les Guermantes détestent la peinture d'Elstir qui a fait un portrait de la duchesse. La pureté du langage de Mme de Guermantes est le signe que son esprit est resté fermé aux nouveautés. Le snobisme de M. de Bréauté, qui ne fréquente que des salons aristocratiques mais prétend rechercher l'intelligence. Une réplique de Mme de Villeparisis à propos d'un poète que louait Bloch. Mme de Guermantes, qui se souvient de m'avoir vu chez sa tante, trace d'elle un portrait peu complaisant. Le chagrin de M. de Charlus après la mort de sa femme. Saint-Loup est venu demander un service à Mme de Guermantes, que le langage de son neveu exaspère. Le deuil de la reine de Naples. Saint-Loup ne veut pas retourner au Maroc. La cérémonie rituelle de l'orangeade après le dîner. La duchesse refuse de recommander Robert au général de Monserfeuil. La fécondation des orchidées. Mariages de gens et mariages de fleurs : Swann. Le goût de Mme de Guermantes pour le style Empire. Rapprochement avec la noblesse d'Empire : le duc d'Aumale et la princesse Mathilde, la reine de Naples et la princesse Murat. Chez les Iéna. Le duc de Guastalla. "Chaque fois que quelqu'un regarde les choses d'une façon un peu nouvelle, les quatre quarts des gens ne voient goutte à ce qu'il leur montre". La duchesse prétend aimer "dès le début" tout ce qui est nouveau. Propos sur la peinture hollandaise : Hals et Vermeer. Les Guermantes sont retirés de leur nom. Le Hals du grand-duc de Hesse. L'intelligence de l'empereur Guillaume ; la simplicité du roi Edouard. J'apprends avec surprise que M. de Norpois m'aime beaucoup. Si Mme de Villeparisis l'épouse, ce sera une mésalliance. Les généalogies du duc de Guermantes : le nom de Saintrailles me rappelle une rue de Combray. Les "préjugés d'autrefois" rendent aux amis des Guermantes leur poésie perdue. A chaque nom cité, le duc dit : "C'est un cousin d'Oriane". L'ambassadrice de Turquie. Les noms évoquent des faits particuliers : l'assassinat de Mme de Praslin, celui du duc de Berri ; une châsse représentant l'histoire de Marie d'Orléans. La malveillance du faubourg Saint-Germain, à propos de M. de Luxembourg. Invraisemblables insinuations de l'ambassadrice de Turquie sur les moeurs du duc de Guermantes. La mobilité des noms qui passent d'une famille à l'autre. Ceux qui sont éteints et oubliés survivent dans de vieilles pierres. Les noms cités désincarnent les invités. Après mon départ, ils pourront célébrer leurs rites mystérieux. Le départ des "dames fleurs". Le luxe des Guermantes n'est pas seulement matériel, c'est un luxe de "paroles charmantes". Fin de la soirée. "Il ne peut plus neiger [...] : on a jeté du sel". Dans la voiture qui me mène chez M. de Charlus après le dîner chez les Guermantes : exaltation et mélancolie. Ma pensée donne du relief aux scènes que je viens de vivre. L'évolution littéraire de Victor Hugo. On apprend autant des grands seigneurs que des paysans.
M. de Charlus continue de me déconcerter. Un valet de pied m'introduit dans un salon où j'attends vingt-cinq minutes. M. de Charlus et ses domestiques. Il me reçoit en robe de chambre et avec hauteur. La reliure du livre de Bergotte. Il m'a soumis à "l'épreuve de la trop grande amabilité" et me reproche divers torts que j'aurais eu à son égard. Dans un mouvement de colère, je piétine son chapeau haut de forme. Il refuse de me dire qui m'a calomnié, se radoucit et décide de me reconduire en voiture. Description de son "grand salon verdâtre". Il prétend que nous ne nous reverrons jamais, puis trouve un prétexte pour ménager une dernière entrevue. Son mépris pour les Iéna et son admiration pour la princesse de Guermantes. En rentrant, je trouve sur mon bureau une lettre du valet de pied de Françoise à son cousin.
Deux mois après, je reçois une invitation de la princesse de Guermantes. "La valeur et la variété imaginaires des gens du monde". Nous désirons connaître les personnes dont nous parlent les Mémoires alors qu'elles devaient être aussi ennuyeuses que celles que nous fréquentons. La "tyrannie de la réalité" nous empêche de décider si telle femme est supérieure à telle autre. L'exclusivisme du salon de la princesse de Guermantes. Je vais voir le duc et la duchesse de Guermantes pour savoir si l'invitation est véritable. En guettant leur arrivée, j'observe notre cour et les hôtels voisins. Swann doit venir apporter une photographie d'une monnaie de l'Ordre de Rhodes. La maladie du cousin Amanien d'Osmond. Le duc devient méfiant quand je lui demande si la princesse m'a réellement invité. Swann entre, très changé : il est malade. Le "Vélasquez" du duc, que Swann attribue "à la malveillance". Le dreyfusisme aveugle de Swann influence tous ses jugements. La toilette de la duchesse de Guermantes. Son opinion sur la princesse et le prince de Guermantes qui "a pris le lit" parce qu'elle avait mis une carte à Mme Carnot. Le frère du roi Théodose. Nouvelle cruauté de la duchesse envers son laquais fiancé. Le duc refuse de croire que le marquis d'Osmond agonise, ce qui l'empêcherait de se rendre à une redoute. Le titre de Brabant et la famille royale de Belgique. La carte de la comtesse Molé. Les titres et les prétentions de certains souverains. La photographie et l'enveloppe démesurées apportées par Swann. Celui-ci affirme qu'il n'a pas plus que "trois ou quatre mois à vivre". Incrédulité de Mme de Guermantes. Les souliers rouges de la duchesse.
Sodome et Gomorrhe I
Découverte de la vraie nature de Charlus. J'ai différé de la rapporter. J'attends l'arrivée du duc et de la duchesse de Guermantes afin de m'assurer que je suis bien invité ce soir-là chez la princesse de Guermantes. Le petit arbuste de la duchesse et la plante rare exposés dans l'attente de l'insecte qui les féconderait. Arrivée de Charlus, qui rend visite à Mme de Villeparisis, à une heure inhabituelle. En guettant la venue de l'insecte, réflexions sur les lois du monde végétal. Charlus sort de l'hôtel. Sa rencontre avec Jupien. Scène de la double parade amoureuse. Jupien quitte la cour, Charlus derrière lui. Le bourdon entre dans la cour. Retour de Charlus et de Jupien. Conjonction aussi providentielle que celle du bourdon et de la fleur. Mon imprudence et mes précautions pour les épier. Ce que j'entends. Longue tirade où Charlus révèle les particularités de son comportement amoureux. Par cette scène, sa vraie nature m'apparaît. C'est une femme.
La Race des Tantes. Malédiction qui pèse sur elle. Sa franc-maçonnerie. Les organisations d'invertis que les solitaires finissent par rejoindre. Classification des invertis. Les prosélytes. Les féminins. Leurs relations avec les femmes. Les solitaires. Histoire exemplaire d'un inverti. Transferts et récidives. Charlus est un homme exceptionnel. La rencontre de Charlus et de Jupien est un miracle de la nature, comparable à celui de la fécondation des plantes. Je m'explique la scène que m'avait faite Charlus.
Charlus devient le protecteur de Jupien, au grand attendrissement de Françoise. Les invertis ne sont pas aussi rares que je l'avais alors pensé. Nombreuse postérité des sodomistes honteux. J'ai manqué la fécondation de l'orchidée par le bourdon.
Sodome et Gomorrhe II
Chapitre premier
Soirée chez la princesse de Guermantes. L'arrivée. Description de la lune. Ma crainte de ne pas être invité. Aventure du duc de Châtellerault et de l'huissier. Une innovation originale des réceptions de la princesse. Beauté et gentillesse de la princesse. Présentations du duc de Châtellerault. La malade d'Huxley. L'accueil de la princesse.
Dans le jardin. Je suis à la recherche de l'invité qui me présentera au prince. Jacassement de Charlus et du duc de Sidonia. Pourquoi j'hésite à m'adresser au baron. Le professeur E*** s'accroche à moi, se fait confirmer la mort de ma grand-mère. Conversation médicale rappelant Molière. M. de Vaugoubert. Ses goûts en amour et les effets de sa continence. J'espère me faire présenter par lui au prince, mais Vaugoubert me laisse avec sa femme. Laideur de Mme de Vaugoubert, son allure hommasse. Elle incarne le type de la femme de l'inverti. Plaisir anticipés et réalité retardée des fêtes de ce genre. Charlus en représentation sur le grand escalier. Mme de Souvré, son amabilité, sa manière de ne pas me présenter au prince de Guermantes. Mme d'Arpajon, difficulté à retrouver son nom. Digression sur la mémoire et le sommeil. Mme d'Arpajon feint de ne pas entendre que je lui demande de me présenter au prince. Impolitesse de Charlus à qui Mme de Gallardon présente le jeune vicomte de Courvoisier. Je demande à Charlus de me présenter au prince. Je le fais maladroitement et il refuse. M. de Bréauté accueille enfin avec satisfaction ma demande et me présente au maître de maison. Accueil réservé mais simple de celui-ci. Différence entre le prince et le duc. Le prince entraîne Swann au fond du jardin. Le jet d'eau d'Hubert Robert. En arrosant Mme d'Arpajon, il provoque l'hilarité du grand-duc Wladimir. Brève insolence de Charlus à mon égard. Son avis sur l'hôtel de la princesse.
Dans l'hôtel. Causerie avec la princesse. Entrée du duc et de la duchesse. L'ambassadrice de Turquie. Les yeux de la duchesse de Guermantes. Le duc et la duchesse sourient à présent de mes craintes de ne pas être invité. Mes progrès dans l'art mondain. La voix de Vaugoubert, caractéristique des invertis. Confidences de Charlus et de Vaugoubert.
Les secrétaires d'ambassade et les choeurs de Racine. Offres de Mme d'Amoncourt à Mme de Guermantes. Réserves du duc de Guermantes. Comparaison des salons de la duchesse et de la princesse. Mme de Saint-Euverte recrute pour sa garden-party. Comment elle a réalisé une véritable transmutation de son salon. Elle fait ses invitations verbalement. Tracas de la duchesse de Guermantes. Une duchesse à demi tarée. Insolence de la duchesse de Guermantes envers Mme de Chaussepierre. Conjectures de Vaugoubert sur un Sodome diplomatique. Conjectures variées au sujet de la conversation de Swann avec le prince de Guermantes. M. de Vaugoubert maltraité par la duchesse de Guermantes. Situation mondaine de M. de Froberville. Le duc de Guermantes juge sévèrement le dreyfusisme de Swann. La duchesse refuse de faire la connaissance de sa femme et de sa fille. Sourire de distinction désuète commun à Mme de Lambresac et aux amies de ma grand-mère. Ressemblance du duc de Bouillon et d'un petit bourgeois de sa génération. Un musicien bavarois salue la duchesse. Il est durement accueilli par le duc. La duchesse n'ira pas à la garden-party Saint-Euverte. Malveillance de M. de Froberville envers Mme de Saint-Euverte. Beauté des deux fils de Mme de Surgis, la nouvelle maîtresse du duc de Guermantes. Le nihilisme de Mme de Citri. Charlus absorbé par la contemplation des jeunes marquis de Surgis. Je lui apprends qu'ils sont frères. Swann : combien il a changé. Arrivée de Saint-Loup. Il approuve son oncle d'avoir des maîtresses. Réflexions sur l'oncle et le neveu. Saint-Loup fait l'éloge des maisons de passe. Il évoque l'une d'elles, que fréquentent une jeune Mlle d'Orgeville et la femme de chambre de la baronne Putbus. Amabilités de Charlus pour Mme de Surgis. Illusions de Saint-Loup sur son oncle. Changements de Saint-Loup depuis sa rupture avec Rachel. Charlus se fait présenter les deux fils de Mme de Surgis par leur mère. Swann s'approche de Saint-Loup et de moi. Changement d'attitude de Saint-Loup dans l'affaire Dreyfus. Le visage de Swann.
Conversation entre Swann et le prince de Guermantes. Je me joins à Charlus et à Mme de Surgis. Charlus exerce sa verve insolente contre Mme de Saint-Euverte. Mme de Saint-Euverte me charge pourtant de lui amener Charlus le lendemain. Swann me raconte, avec plusieurs intermèdes et interruptions, sa conversation avec le prince de Guermantes. Propos de Swann sur la jalousie. Conversation de Charlus avec les jeunes marquis de Surgis. Regards de Swann sur le corsage de Mme de Surgis. Comment le prince de Guermantes en est arrivé à se convaincre de l'innocence de Dreyfus. Histoire du nom de Surgis-le-Duc. Les aventures de Mme de Surgis : hauts et bas de sa situation mondaine. Flatteries de Charlus à son égard. Allusions de Swann à la vie amoureuse de Charlus. Retour à la conversion du prince au dreyfusisme. Je refuse un souper en cercle restreint après la soirée, me souvenant de mon rendez-vous avec Albertine. Comparaison des différents ordres de plaisirs. Fatigue de Swann. De son côté, la princesse de Guermantes s'était aussi persuadée de l'innocence de Dreyfus. Sympathie de Swann pour ceux qui partagent son opinion sur Dreyfus. Il les trouve tous intelligents. Limites du dreyfusisme de Swann. Son invitation à voir Gilberte me laisse indifférent. Passion secrète de la princesse de Guermantes pour Charlus.
Départ et retour. Le duc et la duchesse me raccompagnent Le duc dit au revoir à son frère : attendrissement et gaffe. Tableau de l'escalier en quittant l'hôtel. Dernière apparition du prince de Sagan. Arrivée tardive de Mme d'Orvillers. Amabilité de la duchesse pour Mme de Gallardon. Retour avec les Guermantes dans leur coupé. Mes deux désirs : Mlle d'Orgeville et la femme de chambre de la baronne Putbus. La duchesse refuse de me présenter à la baronne Putbus. Les Guermantes se préparent à aller à une redoute malgré la mort de leur cousin d'Osmond.
Visite d'Albertine après la soirée. Albertine n'est pas arrivée. Françoise et sa fille, installée dans la cuisine. Leur langage. Considérations de géographie linguistique. J'attends la venue d'Albertine. L'irritation due à l'attente tourne à l'anxiété. Appel d'Albertine au téléphone. Je cherche à la faire venir sans le lui demander. "Ce terrible besoin d'un être" : comparaison de mes sentiments envers Albertine et envers ma mère. Les mystères d'Albertine. Comment Françoise annonce Albertine. Antipathie de Françoise pour Albertine. Visite de celle-ci. Baisers, cadeau du portefeuille. J'écris ensuite à Gilberte, sans l'émotion d'autrefois. Conversion du duc de Guermantes au dreyfusisme : les trois dames charmantes.
Visites avant le deuxième séjour à Balbec. Je vois d'autres fées en leurs demeures. Considérations sur l'histoire des salons. Le salon d'Odette, cristallisé autour de Bergotte, devient l'un des premiers. Une raison en est l'anti-dreyfusisme d'Odette. Une autre, sa discrétion. Mes plaisirs dans les salons, en particulier celui de Mme de Montmorency.
Les intermittences du coeur. Deuxième séjour à Balbec. L'accueil du directeur du Grand-Hôtel. Ses barbarismes. Motif du second séjour : l'espoir de rencontrer chez les Verdurin la femme de chambre de Mme Putbus. Saint-Loup m'a recommandé auprès des Cambremer. Espoir de rencontrer aussi de belles inconnues. Comparaison avec la première arrivée à Balbec. Tics de langage du directeur. "Bouleversement de toute ma personne" : la présence de ma grand-mère m'est rendue au moment où je me déchausse. Doctrine des intermittences du coeur. Je comprends pour la première fois que je l'ai perdue pour toujours. Mes remords des chagrins que je lui ai causés, en particulier lors de la photographie prise par Saint-Loup. Souffrance du deuil. Un rêve. Le réveil et les souvenirs déchirants. Albertine est à une station voisine, mais je ne désire plus la voir, ni personne. Rappel du plaisir de l'arrivée, avant le bouleversement. Mme de Cambremer est passée. Sa renommée dans les environs. Refus d'une invitation chez elle. Mon chagrin est pourtant moins profond que celui de ma mère, qui est devenue semblable à ma grand-mère. Rencontre de Mme Poussin. Le nouveau chasseur à la porte de l'hôtel. Comparaison du personnel de l'hôtel et des choeurs de Racine. Les souvenirs de ma grand-mère me font souffrir. Révélations de Françoise sur les circonstances de la photographie prise par Saint-Loup. Révélations du directeur : les syncopes de ma grand-mère. Nouveau rêve sur elle. Je m'habitue au souvenir douloureux. Je fais enfin venir Albertine, que je désire revoir. Eblouissement des pommiers en fleurs.
Chapitre II
Reprise d'intimité avec Albertine et premiers soupçons. Mon chagrin diminue, Albertine recommence à m'inspirer un désir de bonheur. Description de la mer rurale. Retour du chagrin dans le petit train que je prends pour aller chercher Albertine. Je renonce à la rejoindre. Un faire-part envoyé par les Cambremer. J'envoie Françoise chercher Albertine. Première visite d'Albertine à Balbec. Mise en garde de Françoise contre Albertine. La princesse de Parme au Grand-Hôtel. Les amies d'Albertine. J'envoie le liftier la chercher quand j'ai besoin d'elle. Les manières et le langage du liftier. Un soir, le liftier revient sans elle, annonçant qu'elle viendra plus tard. Comment naîtra ma cruelle méfiance à l'égard d'Albertine. La "danse contre seins" : remarque de Cottard tandis qu'Albertine danse avec Andrée. Rivalité de Cottard et de son confrère du Boulbon. Retour au soir où Albertine ne vint pas, malgré l'annonce du liftier. Attente et angoisse. Curiosité douloureuse pour la vie d'Albertine. Comment elle me sacrifie sa visite à une dame d'Infreville quand je lui propose de l'accompagner. Au casino de Balbec : la soeur et la cousine de Bloch, qu'elle observe dans la glace.
Colères contre Albertine, suivies de trêves. Je construis le caractère d'Albertine d'après le souvenir de celui d'Odette.
Visite de Mme de Cambremer, tandis que je suis sur la digue avec Albertine et ses amies. L'attirail de la vieille Mme de Cambremer. L'avocat, amateur de Le Sidaner, qui l'accompagne. Les deux politesses de la jeune Mme de Cambremer. Avec elle, je parle comme Legrandin. Le coup d'oeil de La Raspelière. Les étymologies du curé de Combray. Partis pris esthétiques et snobismes de la jeune Mme de Cambremer. Son hostilité contre sa belle-mère. Evolution des doctrines artistiques. Retour à la mode de Poussin et de Chopin, pour le plaisir de la vieille marquise. Comment la jeune Mme de Cambremer prononce certains noms. Elle a perdu le souvenir d'être née Legrandin. Les amabilités de l'ami des Cambremer, amateur de Le Sidaner. Invitation des Cambremer. Leur départ, humiliation du premier président.
Albertine monte avec moi dans ma chambre. Air d'abattement et d'inquiétude du liftier. Sa cause : l'absence du pourboire habituel. Propos sur une révolution. Le personnel de l'hôtel et l'argent. Protestations calculées de froideur pour Albertine et d'amour pour Andrée. Le "rythme binaire" de l'amour. Ayant dit à Albertine l'indifférence qu'elle m'inspire, je peux ressentir de la tendresse et de la pitié pour elle. Albertine me donne l'heure qu'elle aurait dû passer sans moi. Elle nie avoir eu des relations avec Andrée. Réconciliation et caresses. J'aurais dû la quitter dans cet instant de bonheur. Tranquillisé, je vis davantage auprès de ma mère. Lecture des Mille et Une Nuits. Promenades avec Albertine. Brefs désirs d'autres jeunes filles. Désirs et déceptions. Jalousie pour Albertine et soupçons renouvelés tandis que la saison bat son plein. Elle et Andrée calculent leurs propos en vue de détruire mes soupçons.
Scandale provoqué à l'hôtel par la soeur de Bloch et une actrice. Il est étouffé grâce à la protection de M. Nissim Bernard. La cause de sa fidélité au Grand-Hôtel : il entretient un jeune commis. Les chasseurs et les jeunes israélites d'Esther et d'Athalie. Amitié avec deux jeunes courrières, Marie Gineste et Céleste Albaret. Leur langage. Gloussements de la soeur de Bloch et de son amie au passage d'Albertine. Nouveaux motifs de soupçonner les moeurs d'Albertine. Une inconnue aux yeux rayonnants. Impolitesse suspecte d'Albertine avec une amie de sa tante. Suspension de ma jalousie pour les femmes qu'Albertine a pu aimer.
M. Nissim Bernard et les frères aux têtes de tomates. Je suis invité chez les Verdurin. Albertine et moi allons rendre visite à Saint-Loup à Doncières, par le petit train. Les réceptions des Verdurin à La Raspelière. Dans notre compartiment, une grosse dame vulgaire et prétentieuse. L'attitude d'Albertine à l'égard de Saint-Loup excite ma jalousie. Discussion après le départ de Saint-Loup.
Première rencontre de Charlus et de Morel. Apparition de Charlus, bien vieilli, sur le quai de la gare de Doncières, attendant le train de Paris. Je cause avec lui. Le baron me demande d'aller parler à un musicien et je reconnais Morel. Charlus nous rejoint, il ne connaissait pas Morel. Charlus ne monte pas dans le train de Paris. Changement de nos perspectives sur les êtres. Retour avec Albertine en caoutchouc.
Soirée à La Raspelière chez Les Verdurin. Je me rends à La Raspelière, par le petit train, au mercredi de Mme Verdurin. Les "habitués" du petit train : Cottard, Ski, Brichot. Portrait de Brichot. Evolution du salon Verdurin vers le monde : le "temple de la musique". Saniette. Ski. La princesse Sherbatoff, fidèle type. Cottard et les mercredis. La jeune fille inconnue de Saint-Pierre-des-Ifs. Morel a lâché l'avant-veille. Mme Verdurin a invité les Cambremer, de qui elle est locataire. Comment elle a préparé les fidèles à cette invitation. Propos des fidèles sur les Cambremer. Premiers commentaires de Brichot sur les noms de lieux de la région et les étymologies. La princesse Sherbatoff est la grosse dame vulgaire de l'autre jour. Morel, retrouvé, viendra ce soir avec un ami de son père. Nouvelle de la mort de Dechambre, l'ancien pianiste favori de Mme Verdurin. Arrivée à Douville-Féterne, poursuite en voiture vers La Raspelière. Mme Verdurin et la mort des fidèles. Beauté enivrante du paysage ; émotion. Arrivée à La Raspelière, accueil de M. Verdurin. Dechambre renié au profit de Morel, attendu avec un prétendu ami de sa famille : le baron de Charlus. Les moeurs du baron sont mieux connues dans le clan Verdurin que dans le faubourg Saint-Germain. Erreurs courantes sur la situation véritable des gens. Un éditeur de Paris. Indifférence des Verdurin aux beautés de la nature. Leur intelligence du pays pourtant.
Entrée de Morel et de Charlus. Evidence de la nature féminine de celui-ci. Les "mères profanées". Morel me demande de mentir aux Verdurin sur son origine. Son impolitesse une fois qu'il a obtenu satisfaction. Première ébauche de son caractère. Arrivée des Cambremer. Comportement bizarre de Cottard. Le marquis de Cambremer est vulgairement laid, sa femme est hautaine et morose. Présentations. Les fables de M. de Cambremer. Mme de Cambremer déforme les noms. Mme Verdurin et le protocole. Le jardin des Cambremer. Le goût de Mme Verdurin est meilleur que celui de Mme de Cambremer. Brève méprise de Charlus, qui prend Cottard pour un inverti. Dureté des invertis pour ceux à qui ils plaisent. Alliance ce culture et de snobisme chez Mme de Cambremer. Autres étymologies de Brichot. Pourquoi M. de Cambremer s'intéresse à mes étouffements. Rappel de l'opinion hésitante de ma mère sur un mariage avec Albertine. Propos de Mme de Cambremer sur le mariage de Saint-Loup, et sur Charlus. Nouvelles étymologies de Brichot. Le philosophe norvégien. M. Verdurin torture Saniette. Encore des étymologies. Conversation sur Elstir. Mme Verdurin lui préfère Ski. Son mariage, sa bêtise. Explication de M. Verdurin à Charlus sur leur faute de protocole. Le rire de Charlus, son insolence. Les roses d'Elstir. Charlus souligne un geste de politesse esquissé par M. de Cambremer. Mon enthousiasme pour le morceau de lustrine verte. Sévérité des Cambremer pour le goût des Verdurin. Je lis la lettre de la vieille Mme de Cambremer, apportée par son fils : la règle des trois adjectifs. Prétention de Charlus au titre d'Altesse. Ironie que cache l'amabilité apparente des Verdurin pour Brichot. L'esprit de clan. Souffrances que provoquent chez Brichot les pointes des Verdurin. Mme Verdurin se défend d'être méchante avec Saniette. Anecdotes historiques dont Charlus illustre ses prétentions. Qualités artistiques que l'inversion de Charlus ajoute à la race Guermantes. Snobisme musical de Mme de Cambremer, et gamineries de Morel, qui joue du Meyerbeer pour du Debussy. Couplets de Brichot. Dévotion de Charlus pour l'archange saint Michel. Cottard et Morel jouent à l'écarté. Jeux de mots de Cottard. L'identité du professeur Cottard révélée à M. de Cambremer. Somnolence de Mme Cottard. Les somnifères. Eloge de Cottard par Mme Verdurin. Les armes des Arrachepel. La partie de cartes. Conversation avec Mme Cottard. Charlus révèle sa nature en exprimant sa préférence pour la fraisette. Sa première escarmouche avec Mme Verdurin, son insolence. Mme Verdurin ne comprend pas que Charlus soit le frère du duc de Guermantes. Elle me dissuade d'aller chez les Cambremer. Elle m'invite au prochain "mercredi" avec ma cousine et mes amis. Elle dénigre Swann auprès de moi. Comparaison entre l'esprit de Swann, de Brichot et des Guermantes. Mme Verdurin me propose même de m'établir à demeure chez elle avec ma cousine. Elle propose de recommander Saint-Loup où il faut. Nouvelle rage de M. Verdurin contre Saniette. Mots de Cottard qui gagne aux cartes, et adieux. Dehors. Rivalité de Cottard et de son confrère du Boulbon. En voiture jusqu'à Douville-Féterne. Le pourboire de M. de Cambremer. En train. L'au revoir de Mme de Cambremer. Le plaisir que prend M. de Cambremer aux foucades de sa femme.
Chapitre III
Réflexions sur le sommeil. Au retour de la soirée, bavardage du chasseur louche qui remplace le liftier. Les habitudes de sa soeur. Mon sommeil quand je reviens de La Raspelière. L'attelage du sommeil. Temps du sommeil et temps de la veille. L'effet des hypnotiques sur la mémoire : désaccord avec Bergson. Sommeil et mémoire. Le réveil après les sommeils profonds.
Charlus dîne au Grand-Hôtel avec un valet de pied. Le baron compare les chasseurs et les choeurs de Racine. Le valet de pied lui propose de le mettre en rapport avec le prince de Guermantes. Les domestiques reconnaissent le valet de pied comme tel. Conversation du héros avec Aimé sur Charlus. Aimé ignore l'identité du baron, est surpris quand il l'apprend. Lettre étrange et passionnée que le baron avait écrite à Aimé.
Promenades en automobile avec Albertine. Albertine se remet à la peinture. Chaleur. La forêt de Chantepie. Après une toque et un voile pour Albertine, je commande une automobile. Fierté d'Aimé. L'automobile supprime les distances et modifie l'art. Visite aux Verdurin. M. Verdurin connaît la région. Beauté des "vues" de La Raspelière. La campagne renouvelle les charmes de la mondanité. Mme Verdurin avait besoin de voir du monde. Elle veut nous garder à goûter, revenir avec nous. Je refuse, non sans impolitesse, ses propositions. Effet de l'automobile sur l'espace et le temps. Comparaison avec le chemin de fer. Autres clients du chauffeur : Charlus et Morel. Un de leurs déjeuners dans un restaurant de la côte. Plaisir "sadique" que donnent au baron les projets de Morel de dépuceler une jeune fille. Conseils musicaux de Charlus à Morel. Les poires. Aux bontés de Charlus, Morel répond par une dureté croissante. Quand Albertine peint, je me promène seul, mais ma pensée est tout occupée par elle. Pourquoi tout sacrifier à des fantômes ? La nature paraît me donner le conseil de me mettre au travail. Les petites églises normandes. Opinion d'Albertine sur leur restauration. La vie de couple amoureux. Boire du calvados ou du cidre en voiture. Ma jalousie pour Albertine ne guérit pas : le garçon de l'hôtel de Rivebelle. Calme provisoire des promenades solitaires. Voeu de quitter Albertine. Les remontrances de ma mère ont sur ce voeu un effet contraire. Rendez-vous du soir avec Albertine, et inquiétude chaque matin de l'emploi de sa journée. J'espace mes autres relations : Saint-Loup, que je redoute qu'Albertine rencontre, et Saniette. Le manque d'audace de celui-ci, son indiscrétion. Curiosité d'Aimé pour le pourboire du chauffeur. Le message du liftier, qui appelle le chauffeur un "monsieur". La leçon de mots que j'en retire. Amitié pour les ouvriers, et objections de ma mère. Le chauffeur quitte Balbec avant la morte saison. Je n'ai plus de plaisir avec Albertine. Rencontre émouvante d'un aéroplane au cours d'une promenade solitaire.
Machinations de Morel pour faire congédier le cocher des Verdurin, aussitôt remplacé par son ami le chauffeur. Changement favorable de l'attitude de Morel à mon égard. Les contradictions de son caractère, où domine la laideur. Son respect absolu pour le Conservatoire.
Charlus et les Verdurin. Charme, dans l'été finissant, des préparatifs pour les soirées à La Raspelière. Les remontrances du premier président contre l'oisiveté. Voyage nocturne vers La Raspelière, avec Albertine. Le nécessaire de chez Cartier. Charlus, nouvel habitué des Verdurin. Les fidèles sont d'abord gênés de voyager avec lui. Les devises de ses livres. Sa piété. Les fidèles le rejoignent enfin, et prennent plaisir à sa conversation, où il n'hésite pas à aborder "certains sujets" avant l'arrivée de Morel. Illusions de Charlus sur le secret de sa vie amoureuse. Allusions de Mme Verdurin en son absence. Il devient momentanément le fidèle des fidèles. Animosité de la princesse Sherbatoff envers moi, à la suite d'une rencontre avec Mme de Villeparisis dans le train. Un grand musicien favorise les relations de Charlus avec Morel. Valeur psychologique du "potin". Cécité de Charlus pour les véritables sentiments des Verdurin à son égard. Discussion entre Charlus et Brichot sur Balzac et Chateaubriand. Interruptions de Cottard. Eloge du côté "hors nature" de Balzac par Charlus. Ses regards sur les jeunes gens. Discrétion de Charlus sur son sujet favori en présence de Morel. Les toilettes d'Albertine, inspirées par le goût d'Elstir, sont appréciées de Charlus. Celui-ci les compare aux toilettes de la princesse de Cadignan. Considération admirative de Morel pour mon grand-oncle et pour son hôtel du "40 bis". Mélancolie de Charlus qui s'identifie à la princesse de Cadignan. La conduite de Morel envers Charlus me rappelle celle de Rachel envers Saint-Loup. La méchanceté affectée de Morel avec Charlus, et pourtant son désintéressement apparent. Maladresse de Charlus qui veut lui faire changer son nom en Charmel. Bassesse de nature, neurasthénie et mauvaise éducation de Morel.
Le duel fictif. Douleur de Charlus un jour que Morel refuse de rester avec lui après un déjeuner chez les Verdurin. Il invente un duel pour venger l'honneur de Morel. Il espère le faire ramener par moi, et m'envoie chez Morel avec une lettre. Devises des livres donnés par Charlus à Morel. Morel, inquiet pour sa réputation, me suit. Charlus, triomphant, dicte les conditions de la paix. Morel ne doute pas que d'autres convoitent sa place auprès de Charlus. Charlus s'enthousiasme à l'idée du duel, mais Morel parvient à l'y faire renoncer. Cottard, témoin effrayé, puis désappointé. Charlus se prend pour l'archange Raphaël auprès du jeune Tobie. Les demandes d'argent de Morel auprès de Charlus.
Les stations du petit train. Souvenirs qui s'y rattachent. Maineville : le Palace qui est une maison de prostitution. Mésaventure qui y arriva à Morel. Ses cours d'algèbre en pleine nuit. Le prince de Guermantes lui donna dans le Palace de Maineville un rendez-vous dont Charlus eut vent. Charlus et Jupien s'introduisent dans la maison. On leur montre Morel avec des femmes, prévenu mais terrifié. Seconde déconvenue du prince de Guermantes : Morel aperçoit chez lui une photographie de Charlus, et s'enfuit. Grattevast : le comte de Crécy. Les dîners que je lui offre. Episode des dindonneaux découpés par le directeur. Je n'ose pas dire à M. de Crécy que Mme Swann était connue sous le nom d'Odette de Crécy. Hermenonville : M. de Chevregny, provincial féru de Paris. De nouveau la règle des trois adjectifs de Mme de Cambremer. Griefs de Mme Verdurin contre les Cambremer : ils ont invité les seuls Cottard, Charlus et Morel à un dîner élégant. Effet des prétentions nobiliaires de Charlus sur Morel, et grossièreté de celui-ci avec les Cambremer. Mme Verdurin fait cesser les visites à Féterne de Brichot, amoureux en secret de Mme de Cambremer. Les Cambremer ne peuvent avoir Charlus au dîner qu'ils donnent à M. et à Mme Féré. Nouvelle insolence de Morel à leur égard. Les Cambremer soupçonnent une cabale des Verdurin. Raisons de la brouille données par les Cambremer : le dreyfusisme de Charlus, et la familiarité des Verdurin. Longueur apparente du trajet jusqu'à La Raspelière. Caresses en voiture. Allusions de Mme de Cambremer au "drôle de genre" d'Albertine. Les plaisirs de l'imagination et de la sociabilité, au cours des voyages à La Raspelière, me font souhaiter de rompre avec Albertine et de mener une nouvelle vie. Dernières étymologies de Brichot. Brèves visites, aux stations du retour, tandis que je tiens Albertine sous mon regard. A Doncières : Saint-Loup. Un jour d'un long arrêt, où Bloch me demande de descendre saluer son père, je refuse pour ne pas laisser Albertine avec Saint-Loup. Interprétation erronée de ma conduite par Bloch, qui me prend pour un snob. Fatalité de tels malentendus qui détruisent des amitiés. Silence de Bloch à mon sujet, lors d'un déjeuner chez Mme Bontemps. Intérêt de Charlus pour Bloch. Tirade antisémite de Charlus. Gratitude de Morel envers moi, qui n'ai pas rattrapé Bloch. L'habitude et la mondanité ont vidé de leur mystère et de leur poésie tous les noms de lieux sur le trajet du petit train, et les lieux mêmes. Charme et dégradante influence de la connaissance du pays. Le mariage avec Albertine apparaît comme une folie.
Chapitre IV
Les intermittences du coeur II. Je me prépare à rompre avec Albertine, je veux me libérer pour l'arrivée d'Andrée. Mais au retour de La Raspelière, dans le petit train, peu avant de me quitter, Albertine me révèle qu'elle connaît intimement Mlle Vinteuil et son amie, qu'elle doit rejoindre bientôt. Réminiscence cruelle de la scène de Montjouvain. Je demande à Albertine de ne pas me quitter ce soir. Désolation solitaire dans ma chambre jusqu'au lever du soleil, et certitude des moeurs gomorrhéennes d'Albertine. Je la fais venir, j'invente une raison de mon chagrin : je viens de renoncer à un mariage. Ma jalousie se fixe sur l'amie de Mlle Vinteuil ; je veux empêcher Albertine de la rejoindre. Projet de la faire venir à Paris, dans l'appartement de mes parents, qui seront absents. Les objections d'Albertine, puis sa brusque décision de partir avec moi le jour même. Effets de ce départ brusqué : visite du directeur, objections anticipées de M. de Cambremer. La vérité de l'amour est en nous et non pas hors de nous. La créature aimée, elle aussi, est en nous. Description du lever de soleil. Ma mère, alertée par mes pleurs, entre dans ma chambre, elle est devenue toute semblable à ma grand-mère. Image horrible d'Albertine avec Mlle Vinteuil à Montjouvain. "Il faut absolument que j'épouse Albertine".
Vie en commun avec Albertine : première journée. Bruits de la rue, réveil en musique. Albertine à Paris sous le même toit que moi. Les rengaines d'Albertine. Le petit bonhomme barométrique. La lettre de Maman, son hostilité à mon projet de mariage avec Albertine ; elle-même est retenue à Combray. Règles imposées à Albertine pour mes heures de sommeil. Françoise et le respect de la tradition. Développement intellectuel et changement physique d'Albertine. Andrée accompagne Albertine dans ses promenades : je leur déconseille d'aller aux Buttes-Chaumont. Ma confiance en Andrée. Je n'aime plus Albertine ; mais ma jalousie survit à mon amour. Impossibilité de la soustraire à Gomorrhe, dispersée aux quatre coins du monde. Plaisirs de la solitude après le départ d'Albertine. L'odeur des brindilles dans le feu me rappelle Combray et Doncières. Des inconnues, aperçues de ma fenêtre, me font regretter ma claustration avec Albertine. La jalousie, maladie intermittente.
A la fin de l'après-midi, mes visites à la duchesse de Guermantes. Elle n'est plus la mystérieuse Mme de Guermantes de mon enfance. Je viens lui demander des renseignements sur des parures pour Albertine. Les robes de Fortuny que porte la duchesse. Sa conversation délicieusement française. Elle a oublié la présence, à la soirée de la princesse de Guermantes, de Mme de Chaussepierre, conséquence minuscule de l'affaire Dreyfus. Je ramène précipitamment la conversation de l'affaire Dreyfus aux robes de la duchesse. En rentrant de chez elle je rencontre dans la cour Charlus et Morel allant prendre le thé chez Jupien. Scène de Charlus à Morel à propos de l'expression "payer le thé". Billet reçu par Charlus du chasseur d'un cercle de jeu. Charlus et M. de Vaugoubert ; l'auteur explique à son lecteur la raison de peintures si étranges. L'expression "payer le thé", employée par la nièce de Jupien, venait de Morel. La distinction naturelle de la jeune fille. L'idée du mariage de Morel avec elle satisfait le baron. Il s'imagine en guide et protecteur des futurs mariés. Les projets cyniques de Morel ; sa nervosité maladive, vis-à-vis de Bloch et de Nissim Bernard.
Au retour de chez la duchesse de Guermantes, l'incident des seringas. Habituellement, les oeuvres d'Elstir, de Bergotte, de Vinteuil calment mon impatience du retour d'Albertine et exaltent mes sentiments pour elle ; je cache à mes amis qu'elle habite à la maison. La discrétion d'Albertine depuis qu'elle me sait jaloux. Le plaisir que me donne sa présence. Les défauts d'Andrée se sont accusés ; son aigreur. Elle calomnie le jeune homme de Balbec qui jouait au golf. Mes enquêtes auprès d'elle sur les sorties d'Albertine ; elles ne m'apprennent rien : la jalousie engendre défiance et tromperie. Après son départ, Albertine, en robe d'intérieur, vient près de moi. Son goût pour les raffinements de la toilette ; son élégance, elle est aussi devenue très intelligente. Variabilité de la nature que nous percevons chez les jeunes filles. De la même manière, la nièce de Jupien a changé d'opinion sur Morel et Charlus. Soirées où Albertine me fait de la musique ; persistance du désir que m'avait inspiré la jeune fille, libre et convoitée à Balbec, aujourd'hui enfermée chez moi. Les différentes Albertine, au fil des années. Son sommeil. La regarder dormir ; parfois un plaisir moins pur. Ses réveils ; "Mon chéri Marcel". Ce n'est plus une Albertine mystérieuse que je cherche, comme à Balbec la première année, mais une Albertine aussi connue de moi que possible. Ses baisers aussi apaisants qu'autrefois ceux de ma mère. Peu à peu, je ressemble à tous mes parents ; surtout à ma tante Léonie. Sous la douceur des jeux amoureux avec Albertine, il y a la permanence d'un danger.
Deuxième journée. Je m'éveille par un temps différent, sous un autre climat ; ma paresse ainsi entretenue. Je me rappelle qu'Aimé m'avait annoncé, à Balbec, la présence d'Albertine. Pourquoi lui avait-il trouvé "mauvais genre" ? Je soupçonne toutes les amies d'Albertine. La jalousie après coup, et même après la mort de l'être aimé.
Ce soir-là, Albertine me révèle son projet d'aller faire une visite à Mme Verdurin le jour suivant. Je devine le sens caché de ses paroles, de ses regards. Pour empêcher cette visite, je suggère à Albertine d'autres buts de promenade. Elle est un des êtres de fuite. Mon inquiétude sans cesse ravivée par ce qu'elle me dit. On sacrifie sa vie moins à un être qu'à la trame d'habitudes tissée autour de lui. La haine de Françoise, ses paroles sibyllines à l'égard d'Albertine. Pendant qu'Albertine va ôter ses affaires je téléphone à Andrée ; les divinités du téléphone. Je suis seul à pouvoir dire "Albertine" d'une certaine façon, exprimant la possession. Je demande à Andrée d'empêcher Albertine d'aller chez les Verdurin, puis j'annonce que je m'y rendrai avec elles. Au retour d'Albertine dans ma chambre, je lui dis que je viens de téléphoner à Andrée ; elle m'annonce qu'elles ont rencontré Mme Verdurin. Les feux tournants de la jalousie. Albertine veut me dissuader de l'accompagner chez les Verdurin ; elle se propose d'aller dans un grand magasin le lendemain ; elle n'est plus pour moi qu'une suite de problèmes insolubles. Son temps m'appartient en quantités plus grandes qu'à Balbec ; je l'accompagne aux terrains d'aviation proches de Paris. Je ne rentre pas calmé de ces promenades, comme autrefois à Balbec. Je lui conseille d'aller le lendemain à une représentation au Trocadéro ; je répète à Albertine ce que mes parents me disaient, enfant. L'homme sévère que je suis devenu à son égard recouvre l'être exalté et sensible que j'avais été. Je songe de nouveau à partir pour Venise. Il est naturel d'être dur et fourbe avec ce qu'on aime ; angoisse des baisers refusés, ou qui ne me satisfont pas. Parfois je ruse pour qu'elle s'endorme dans ma chambre. De nouveau j'observe son sommeil, et son réveil.
Troisième journée. Le lendemain de cette soirée, je m'éveille par un matin de printemps, interpolé dans l'hiver. Bruits de la rue, cris musicaux des marchands. Françoise m'apporte Le Figaro et m'annonce, ce qui m'est désormais égal, qu'Albertine se rendra au Trocadéro et non chez les Verdurin. Entrée d'Albertine, citant Esther ; nous échangeons des paroles menteuses. Prémonition de sa mort dans un accident de cheval. Digression sur les différents sommeils, la paralysie et la perte de la mémoire qui les accompagnent. L'effet des narcotiques, rêves. Les Pietà de la Renaissance. Retour aux cris de Paris ; goût d'Albertine pour les nourritures vendues par ces marchands. Son morceau éloquent et suggestif sur les glaces.
Albertine sortie, je sens la fatigue de sa présence. Je suis content qu'Andrée l'accompagne, car j'ai moins confiance dans le chauffeur : lors d'une excursion à Versailles, Albertine l'avait renvoyé pendant sept heures. Confidence de la femme de chambre de Gilberte : à l'époque de mon amour pour Gilberte, j'étais dupe. Seul à la fenêtre, j'écoute de nouveau les bruits et les cris de la rue ; j'observe les jeunes employées qui font les livraisons pour les commerçants. Je demande à Françoise de m'envoyer une de ces fillettes pour une course : une jeune crémière, que j'avais remarquée. En attendant, je lis une lettre de Maman qui, à Combray, s'inquiète de la prolongation du séjour d'Albertine à la maison. Françoise fait entrer la jeune crémière. Ecart entre les femmes imaginées et approchées ; la jeune fille est bientôt réduite à elle-même. Tout en lui parlant je lis dans Le Figaro que Léa, dont je connais la réputation, doit jouer Les Fourberies de Nérine à la matinée du Trocadéro. A Balbec, Albertine s'était contredite à son sujet. Il faut empêcher Albertine de retrouver Léa au Trocadéro. Je renvoie la petite laitière pour y réfléchir. La jalousie me remet en mémoire les images d'une Albertine vicieuse et infidèle. J'envoie Françoise la chercher au Trocadéro. Décadence du parler de Françoise, sous l'influence du parler de sa fille. Elle me fait annoncer au téléphone le retour d'Albertine, ce que celle-ci me confirme par un mot qu'elle me fait porter. En l'attendant maintenant sans impatience, et même avec le sentiment de mon esclavage, je joue au piano la Sonate de Vinteuil. La musique de Vinteuil, comme celle de Wagner, m'aide à redescendre en moi-même. Unité essentielle, perçue après coup par leurs auteurs des grandes oeuvres du XIXe siècle, littéraires et musicales. Mes rêveries musicales se détournent vers Morel, le mystère de son emploi du temps pour Charlus. Peu après, dans la cour, je suis le témoin de la scène que Morel faisait à la nièce de Jupien : "grand pied de grue". Mon calme avant le retour d'Albertine ; sa nouvelle bague. Nous allons en auto au Bois. Toutes les jeunes femmes aperçues par la vitre avivent mes regrets. A propos du Trocadéro, conversation sur l'architecture avec Albertine. Sans lui en parler, j'ai décidé d'aller ce soir chez les Verdurin. Ma vie avec Albertine me prive d'un voyage à Venise comme de toutes les midinettes aperçues ; mon amie semble les regarder aussi. Similitude de la déception éprouvée auprès de femmes que j'avais connues et de villes où j'étais allé. Le servage d'Albertine restitue à la beauté du monde toutes les jeunes filles, mais, captive, elle a perdu sa beauté ; seuls les souvenirs de mes premiers désirs à Balbec la lui rendent. Au Bois, nos ombres parallèles ; à notre retour, la pleine lune au-dessus de l'Arc de Triomphe.
Nous dînons dans sa chambre ; "il n'est pas de belle prison". Contrastant avec sa docilité, certains faits me font me demander si Albertine n'avait pas formé le projet de secouer sa chaîne. Les propos de Gisèle, rencontrée par hasard, confirment - malgré, ou à cause de sa prudence - mes soupçons. Les mensonges de la petite bande s'emboîtent bien les uns dans les autres, comme, dans un autre domaine, ceux des éditeurs, des directeurs de journaux et de leurs collaborateurs. Sous les aveux d'Albertine, d'autres mensonges ; tout être aimé est un Janus. Je tais, pour l'instant, mon projet mensonger de rompre avec elle ; pour la distraire je veux lui commander une robe de Fortuny.
J'apprends que ce jour-là Bergotte est mort ; sa maladie artificiellement prolongée par les médicaments. Il y avait des années qu'il ne sortait plus de chez lui, entretenant des fillettes qui lui redonnaient le goût d'écrire. Ses cauchemars, dans les derniers mois de sa vie. Les avis contradictoires de ses médecins. Essai de tous les narcotiques. Sa mort pendant la visite d'une exposition hollandaise, devant la Vue de Delft de Ver Meer ; mort à jamais ? Les obligations morales, si visibles chez l'artiste, ne rendent pas invraisemblable une réponse négative. Mensonge d'Albertine me racontant avoir rencontré Bergotte, alors qu'il était déjà mort en réalité. Le témoignage des sens ne m'aurait pas plus appris si Albertine avait menti ; des exemples prouvent qu'il est aussi une opération de l'esprit : ainsi pour les "pistières" de notre maître d'hôtel et la "vieille rombière" du concierge d'un restaurant. Heureuse aptitude d'Albertine au mensonge, pourtant surpassée par une de ses amies.
Les Verdurin se brouillent avec Charlus. Après avoir annoncé à Albertine, qui ne veut pas sortir, d'autres buts de visite, je me rends chez les Verdurin. Dans la rue, je rencontre Morel en pleurs, se repentant d'avoir insulté sa fiancée. Sa versatilité et son cynisme ; sa rancune à l'égard des êtres qu'il fait souffrir. Les deux produits de ma journée : la résolution de rompre avec Albertine et, d'autre part, l'idée que l'Art participe au néant de la vie ; mais ils ne seront pas durables et vont au contraire s'inverser au cours de la soirée. En arrivant au quai Conti, je rencontre Brichot, descendant d'un tramway ; en dépit de ses puissantes lunettes il est presque aveugle. Nous parlons de Swann ; retour sur sa mort qui m'avait à l'époque bouleversé. Il me devra de survivre parce que j'ai fait de lui un héros de roman. J'avais encore des renseignements à lui demander. Brichot évoque pour moi l'ancien salon des Verdurin, rue Montalivet, où Swann avait connu Odette.
Au moment d'arriver chez les Verdurin, rencontre de Charlus, suivi comme souvent d'un voyou attaché à ses pas ; il est devenu monstrueux. Il inspire à Brichot un sentiment pénible. L'homosexualité et l'affinement des qualités morales. La déchéance de Charlus se lit sur son visage et déborde dans ses propos. Il me parle des toilettes de ma "cousine" (Albertine) ; c'est un domaine où il excelle, il aurait pu devenir un maître écrivain. Ses familiarités ; ses manières conjugales et paternelles avec Morel. Il s'est détaché des contraintes sociales et affecte les façons qu'il flétrissait autrefois. Il nous affirme avoir vu Morel par hasard ce matin, ce qui me prouve qu'il l'a vu il y a une heure. Peu de temps après cette soirée, une lettre de Léa à Morel - elle l'appelle "grande sale" - ouverte fortuitement par le baron, est une cause de douleur et de stupéfaction. Que signifie l'expression "en être" ? Charlus n'étant qu'un amateur, de tels incidents ne peuvent lui être utiles. Il me demande des nouvelles de Bloch ; il admire les succès féminins de Morel.
Charlus m'explique qu'il a organisé la soirée chez les Verdurin : la Patronne est dessaisie, il a lancé les invitations, choisi un public qui fera parler de Morel. C'est aussi pour pousser son protégé dans le journalisme littéraire qu'il entretient des relations utilitaires avec Bergotte. Charlus m'annonce qu'on attend la venue de Mlle Vinteuil et de son amie. Souffrance que cela me cause. Ma jalousie se reporte sur elles. Dans la cour de l'hôtel des Verdurin nous sommes rattrapés par Saniette. Dans l'antichambre, familiarités de Charlus avec le valet de pied ; M. Verdurin reprend grossièrement Saniette qui emploie des expressions archaïques, puis il le rabroue pour avoir annoncé la mort de la princesse Sherbatoff. Habitude des Verdurin de rapprocher ou au contraire de brouiller leurs invités. Mme Verdurin est furieuse parce que Charlus a refusé les noms qu'elle lui proposait pour sa soirée. La versatilité du baron ; ses philippiques contre la comtesse Molé. Le salon Verdurin commençait à bénéficier de l'affaire Dreyfus. Les Ballets russes placeront encore Mme Verdurin au premier plan. Elle affiche son indifférence devant la mort de la princesse Sherbatoff. Ses précautions médicinales avant la musique de Vinteuil. Elle m'apprend que Mlle Vinteuil et son amie ne viendront pas. Morel a acquis de meilleures manières. Propos furtifs de Charlus avec plusieurs hommes importants qui partagent ses goûts. Mme Verdurin se prépare à brouiller Charlus et Morel. Mauvaise éducation des invités du baron à l'égard de Mme Verdurin, à l'exception de la reine de Naples.
Charlus impose le silence aux invités ; le concert va commencer. On joue une oeuvre inédite de Vinteuil ; elle me rappelle la Sonate, en la renouvelant. Attitude de Mme Verdurin, des musiciens et de Morel. Cette musique me ramène à la pensée de mon amour pour Albertine. Pourtant, quelque chose de plus mystérieux semble promis au début de cette oeuvre. Les audaces des sonorités de Vinteuil. L'art n'est peut-être pas aussi irréel que la vie. L'accent propre à Vinteuil. La patrie perdue de chaque musicien. La Musique, exemple unique de ce qu'aurait pu être la communication des âmes. Reprise du Septuor ; triomphe final du motif joyeux. Cette joie serait-elle jamais réalisable pour moi ? C'est l'amie de Mlle Vinteuil qui, en transcrivant les papiers laissés par le compositeur, avait révélé son oeuvre. L'étrange appel qu'elle a fait parvenir jusqu'à moi. Union profonde entre le génie et les vices qui ont permis l'audition de cette oeuvre de Vinteuil.
Le concert terminé, M. Verdurin chasse Saniette qui a une attaque dans la cour de l'hôtel. Défilé des invités devant le baron ; il ne les prie pas de remercier Mme Verdurin. Les mots d'esprit de Charlus. Travaux d'approche de Mme de Mortemart pour une soirée où elle compte faire jouer Morel. Charlus en règle les invitations, à rebours des intentions de l'intéressée. M. d'Argencourt et les invertis. Rage de Mme Verdurin, dédaignée par les invités et exaspérée par les propos de Charlus. L'éventail oublié par la reine de Naples. L'auto-satisfaction du baron, il se félicite de l'absence bénéfique de la Molé. Mme Verdurin ne peut accepter de voir son rôle de Patronne menacé. Conversation de Charlus avec le général Deltour. Mme Verdurin demande à Brichot d'occuper Charlus pendant que son mari entreprendra Morel. Brichot accepte à contrecoeur ; ses justifications pédantes. Il évoque l'ancien salon Verdurin, ajoutant aux objets leur double spirituel. Brichot et Charlus m'entraînent avec eux. Charlus commente le jeu de Morel : la Mèche ! Il ne me renseigne pas sur la fille de Vinteuil, mais il est amical avec moi. Ses raisons d'apprécier l'esprit de Brichot. La pitié que m'inspire Charlus ; mon absence d'amour-propre. Charlus aux cours de Brichot à la Sorbonne. Je demande au baron de m'avertir de la venue de Mlle Vinteuil ; il me rappelle l'intérêt qu'il m'avait témoigné autrefois ; la mort de Mme de Villeparis, sa véritable situation mondaine. La certitude de retrouver Albertine en rentrant fait que je reste ; j'envisage à mon retour de simuler une rupture avec elle. Brichot lance Charlus dans une conversation sur l'homosexualité. Statistiques de Charlus. Il évoque Swann, Odette et ses multiples amants, dont il a été ; M. de Crécy. L'homosexualité à travers les âges : le Grand Siècle ; considérations de Charlus. Il est déconcerté que les homosexuels se recrutent parmi les hommes les plus enragés pour les femmes. Il est scandalisé que les femmes se mettent à parler de tels sujets.
Pendant ce temps, M. Verdurin fait la leçon à Morel ; puis Mme Verdurin. Elle n'a aucune peine à convaincre Morel. Elle aggrave ses accusations contre le baron. Nous rentrons au salon, Morel repousse Charlus, qui demeure stupéfait. Il ne comprend pas les causes de cette rupture publique. La reine de Naples, revenue chercher son éventail, est indignée par la scène. Elle emmène fièrement Charlus à son bras. Charlus très changé après cette soirée, sa maladie. Son perfectionnement moral, qui disparaît avec le retour de la bonne santé. Générosité des Verdurin pour Saniette, ruiné et au plus mal. Les mots particuliers à certaines familles. Ma découverte de la nature insoupçonnée de M. Verdurin.
Disparition d'Albertine. Retour de la soirée Verdurin en compagnie de Brichot. Il commente et complète avec érudition les discours de Charlus. Arrivé devant ma porte, j'aperçois la fenêtre allumée de la chambre d'Albertine. Elle est le symbole de ma servitude. La dissimulation d'Albertine, sa colère en apprenant que je viens de chez les Verdurin. Ma propre colère. Elle avoue le voyage inventé à Balbec. Je veux l'accabler à propos de Mlle Vinteuil. Son intimité avec elle n'était qu'un mensonge d'Albertine pour se rendre intéressante à mes yeux. Une Albertine inconnue se révèle à moi quand je reconstitue son expression "casser le pot". Pour mieux la retenir, je lui propose mensongèrement de nous séparer. Nouvelle révélation à propos de la photo d'Esther, la cousine de Bloch. Rappel de ma tristesse d'autrefois quand je disais à Gilberte qu'il fallait nous séparer. Chez Albertine, l'intention de me quitter ne se manifestait que d'une façon obscure. Une Albertine entièrement contraire à celle que ma raison s'en faisait. Difficultés d'être le narrateur de sa propre histoire. Duplicité d'Albertine, vérifiée par sa correction toute nouvelle à l'égard des jeunes filles de mauvais genre. Nouvel aveu d'Albertine : un voyage de trois semaines avec Léa. Facilité avec laquelle les gomorrhéennes se rallient. Part des réserves obscures de l'hérédité dans cette comédie de la rupture : la tante Léonie, autrefois avec Françoise. Je suis pris au jeu. Je demande à Albertine de ne plus me revoir. Mes recommandations minutieuses. Le projet d'Albertine d'aller en Touraine chez sa tante me glace ; je mets brusquement fin à la scène par un "renouvellement de bail". Signification prophétique de cette scène ; dans la chambre, Albertine endormie : figure allégorique de la mort.
Quatrième ensemble de journées. Le lendemain matin j'analyse la scène de la veille : un "bluff", comme en diplomatie. Une lettre de ma mère : elle s'inquiète de mes intentions vis-à-vis d'Albertine. Celle-ci cherche à apaiser mes soupçons, comme autrefois, sans y parvenir. La sagacité et les médisances de Françoise à l'égard de mon amie ; elle veut nous brouiller, comme sans doute les Verdurin. Les goûts artistiques de la captive. Les robes de Fortuny. Elle n'est plus qu'une pesante esclave dont je voudrais me débarrasser ; elle me joue de la musique, au pianola. Un ange musicien. Elle me joue des oeuvres de Vinteuil. Vérité de cette musique ; je la mets en rapport avec le plaisir ressenti devant les clochers de Martinville, les arbres d'Hudimesnil, en buvant une certaine tasse de thé. La preuve du génie n'est pas dans le contenu de l'oeuvre mais dans la qualité inconnue d'un monde unique révélé par l'artiste, en littérature aussi bien qu'en musique. J'en trouve des exemples pour Albertine chez Barbey d'Aurevilly, Thomas Hardy, Dostoïevski. Je reviens à l'hypothèse matérialiste, celle du néant de l'art, en repassant en revue mes propres impressions. Albertine est-elle chez moi comme une oeuvre d'art, sainte Cécile devant le pianola ? Nullement : je ne l'aime que pour des raisons étrangères à l'art, pour tout ce que j'ignore d'elle. Ma curiosité douloureuse, inlassable de sa vie passée ; l'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au coeur. Elle est comme une grande déesse du Temps ; son sommeil paisible.
Dernière série de journées. La belle saison revient ; mes vaines résolutions de changer de vie. J'apprends de Mme Bontemps les promenades d'Albertine, il y a trois ans aux Buttes-Chaumont, ainsi que l'explication a posteriori de la docilité d'Albertine à revenir de Balbec avec moi, l'année précédente. Deux traits de son caractère me reviennent à l'esprit : l'utilisation multiple d'une même action - dans ce cas faire plaisir à Andrée et à moi, et la vivacité à saisir la tentation irrésistible d'un plaisir. Fatalement, elle me quittera un jour, mais je veux choisir le moment, "à froid". Ma colère, un soir où elle avait mis une robe de Fortuny. Je lui fais mes excuses, puis je reviens sur la matinée du Trocadéro et la soirée Verdurin, nouveaux aveux, nouvelles accusations sur ses relations avec Andrée et les raisons de son départ de Balbec. Après de nouvelles excuses de ma part, elle refuse de m'embrasser comme les autres soirs. Pressentiments. Par deux fois elle refuse de me rendre mon baiser. Le bruit de la fenêtre ouverte dans la nuit, nouveau présage de mort.
Le lendemain, à mon réveil, je crains qu'Albertine ne soit partie ; quand Françoise me dit qu'elle est dans sa chambre, elle me redevient indifférente. Nouvelle prémonition de mort. Notre sortie ensemble à Versailles. Bourdonnement d'un aéroplane dans le ciel. Tandis que nous goûtons elle attache ses regards sur la pâtissière. Notre retour à la nuit ; le clair de lune sur Paris me rappelle les descriptions des grands poètes du XIXe siècle, je les cite à Albertine. Elle veut passer chez les Verdurin, mais accepte de rentrer à ma demande.
Une belle matinée de printemps m'entoure à mon réveil ; les bruits et les parfums familiers. L'odeur et le bruit d'une automobile me rappellent Balbec et m'invitent à une partie de campagne avec une femme inconnue. Désir de partir pour Venise sans Albertine que je suis résolu à quitter immédiatement. Je sonne Françoise pour qu'elle m'achète un guide et un indicateur, mais elle m'annonce que Mlle Albertine est partie ce matin à neuf heures !
Chapitre premier
Le Chagrin et l'Oubli
"Mademoiselle Albertine est partie !" Souffrance vive qu'il me faut aussitôt calmer en imaginant qu'elle va revenir. Croire que je ne l'aimais plus était une erreur. Le nouveau visage de l'Habitude est celui d'une divinité redoutable. Lettre d'adieu d'Albertine. Je cherche les moyens de la faire revenir le soir même : argent, yacht, Rolls, indépendance, mariage. Les autres désirs disparaissent. On ne peut se quitter bien. Essais d'analyse de l'angoisse et des signes précurseurs du départ. Avait-elle prémédité sa fuite ? Ma douleur ignore son prochain retour décidé par mon instinct de conservation. Mes amours antérieures n'avaient pas la force de l'Habitude. Elle doit revenir sans que j'aie l'air d'y tenir. Tous mes "moi" doivent apprendre ce départ que les objets familiers me rappellent. J'espère Albertine partie en Touraine. Confirmée, la nouvelle me torture. J'invite puis congédie une innocente petite fille pauvre. Si Albertine est partie pour m'amadouer, je devrais temporiser mais ne le puis. Saint-Loup consent à m'aider. Condamné à la simulation, je feins d'approuver le départ et fais agir Saint-Loup sur Mme Bontemps. Je lui remets une photographie d'Albertine qui le surprend beaucoup. Le regard de l'amant diffère du regard des autres. Mensonges successifs à Saint-Loup pour expliquer les trente mille francs proposés aux Bontemps, à Françoise pour lui cacher la brouille qu'elle flaire sans trop y croire et s'en réjouir. Colère contre Bloch dont le plaidoyer auprès de M. Bontemps contrecarre les démarches de Saint-Loup. Le chef de la sûreté me convoque : je suis injurié par les parents de la petite fille et mon innocence n'est pas admise. Assuré que Saint-Loup ne peut échouer, je suis presque joyeux ; puis, sans nouvelles de lui, je recommence à souffrir. Une phrase de sa lettre ravive ma douleur. Françoise m'annonce qu'on surveille la maison ; bercer des petites filles m'est désormais interdit : j'applique à tort cette impossibilité à Albertine, y voyant la punition de n'avoir pas vécu chastement avec elle. Aussitôt le désir passionné qu'elle revienne m'envahit. Quelques jours d'attente, les premiers du printemps, me procurent des moments de calme agréable ; à m'en apercevoir j'éprouve une terreur panique ; mon amour frémit devant l'oubli comme le lion devant le python. Je pense à Albertine en dormant ; au réveil ma souffrance s'accroît chaque jour. Premier télégramme de Saint-Loup : "Ces dames sont parties pour trois jours". Tandis que ma raison attend le retour d'Albertine, mon corps et mon coeur apprennent à vivre sans elle. Je reçois une lettre de déclaration d'une nièce des Guermantes et le duc fait une démarche auprès de moi dont je ne tire ni orgueil ni profit. Je pense sans cesse à Albertine, tantôt tendrement tantôt avec fureur. Je sens que son retour ne me donnerait pas le bonheur ; plus le désir avance, plus la possession s'éloigne. Les liens entre les êtres n'existent qu'en pensée ; la mémoire, en s'affaiblissant, les relâche. Je me persuade que mon besoin d'Albertine est précieux pour ma vie. Second télégramme de Saint-Loup ; Albertine l'a vu et la manoeuvre a échoué. Furieux et désespéré, je cherche une autre solution, ne voyant pas que la suppression du désir est la solution la plus ordinaire. Un air de Manon me rappelle notre amour mais je ne peux confondre les êtres romanesques et la vie. Je rappelle Saint-Loup à Paris. Albertine me télégraphie que si je lui avais écrit de revenir elle l'eût fait. Assuré de son retour, je ne veux pas avoir l'air de me hâter. Ma lettre n'est qu'une traduction ou un équivalent de la réalité désirée. J'écris à Albertine : je bénis sa sagesse car lier nos vies aurait pu faire notre malheur ; je suis inconstant et l'oublierai. Avant, j'aurais voulu qu'elle décommande la Rolls et le yacht qui lui étaient destinés, mais je les conserverai ; je les pare de citations poétiques. Cette lettre feinte était un acte maladroit , j'aurais dû prévoir une réponse négative mais, sûr du contraire, je regrette son envoi. Françoise me la rapporte. Le journal annonce la mort de la Berma. Je pense à Phèdre et interprète la scène de la déclaration comme une prophétie des épisodes amoureux de mon existence. Je fais mettre ma lettre à la poste. Le temps passant, les mensonges deviennent vérité ; ce que j'écrivais à Albertine pourrait se réaliser, comme ce fût le cas pour Gilberte. Mais l'oubli efface les heures ennuyeuses et l'image d'Albertine embellit. Je la nomme sans cesse. Françoise me torture en découvrant deux bagues oubliées, avec la même figure d'aigle. Ma souffrance s'éparpille en divers objets, j'envisage de me ruiner puis de me tuer cependant que l'image d'Albertine s'efface. Françoise ne croit pas au retour d'Albertine. Sa lettre la consterne. Albertine propose de décommander la Rolls. J'admire comme notre vie en commun l'a enrichie de qualités nouvelles. J'appelle Andrée auprès de moi pour brusquer les choses et en informe Albertine en évoquant un projet de mariage. J'imagine soudain qu'elle ne veut pas revenir et profite depuis huit jours de sa liberté pour se livrer à ses vices. Saint-Loup revient. Je surprends sa conversation avec un valet de pied ; ma confiance en lui est ébranlée et son insuccès ne me convainc pas. Les détails qu'il me donne alimentent ma jalousie et ravivent mon désir. Je décide d'attendre la réponse d'Albertine et d'aller la chercher moi-même si elle ne revient pas. Je soupçonne Saint-Loup. Comme Swann, je me figure que la mort d'Albertine supprimerait ma douleur. Je lui télégraphie de revenir à n'importe quelles conditions. Mme Bontemps me télégraphie qu'Albertine est morte. Une nouvelle souffrance m'apprend que j'avais toujours cru à son retour, que j'avais besoin de sa présence ; ma vie à venir m'est arrachée du coeur. Françoise m'apporte deux lettres d'Albertine, l'une approuvant mon invitation à Andrée, l'autre demandant à revenir. Ma vie est changée. Albertine n'est pas morte en moi, elle se multiplie à l'appel de moments identiques. L'été arrive, un rayon de soleil me déchire, rappelant mille souvenirs de promenades autour de Balbec. Le soir m'assaille de sensations que je m'efforce d'écarter. Françoise ne simule pas la douleur mais s'inquiète de mes larmes. Lente agonie des soirs d'été. Une étoile suffit à rappeler les souvenirs. Je crains l'oubli qui viendra. L'aube, comme un coup de couteau, réveille l'angoisse du départ d'Albertine. Je ne veux plus aller à Venise : l'obstacle de sa présence entre moi et les choses était imaginaire. J'ai peur de la venue de l'hiver où je retrouverai le germe de mes premiers désirs. Il me faudrait oublier les saisons, renoncer à l'univers. Il y aurait aussi les dates anniversaires, le paysage moral s'ajoutant au souvenir des heures. Ainsi, quand reviendrait le beau temps, je me rappellerais la douceur et le calme des moments où j'attendais Albertine revenant du Trocadéro, puis de celui où nous allâmes nous promener ensemble. Ce jour, évoqué par la suite sans souffrance, a gardé un éclat inaltérable. La tristesse du souvenir prend des colorations différentes suivant la variation des jours et suivant l'évolution des idées que j'eus successivement d'Albertine. Il n'y a pas une seule mais d'innombrables Albertines et je suis moi aussi le défilé d'une armée composite. Le moi jaloux est contemporain des images évoquées : douleurs d'amputé. Souvenir de la rougeur d'Albertine à propos de son peignoir de bain à Balbec. J'envoie Aimé enquêter à Balbec. La jalousie cesse de me torturer, mon coeur s'emplit de désespoir et de tendresse. Ma chambre prend un charme dont la douleur peut, comme l'art, parer les choses insignifiantes. Le rappel du premier baiser, au bruit du calorifère à eau, et celui de la soirée avec Brichot me font comprendre que j'avais trouvé dans cette vie crue ennuyeuse la paix profonde que j'avais rêvée. Me rappelant l'intelligence et la douceur d'Albertine, je me reproche mon amour égoïste et me sens coupable de sa mort comme de celle de ma grand-mère. Ce que nous prisons dans une femme est la projection de notre plaisir à la voir. Les autres nous sont indifférents. L'amour seul est divin. Albertine au pianola, ses baisers. Les souvenirs d'instants si doux m'empêchent d'être désespéré car je ne tiens plus à la vie. J'ai connu un bonheur et un malheur que Swann n'avait pas connus. Rien ne se répète exactement : la principale opposition (l'art) ne s'est pas manifestée encore. Récapitulation de notre histoire. J'aurais pu ne pas connaître Albertine, ni, l'ayant connue, l'aimer, et pourtant elle m'est nécessaire. Comparaisons avec Gilberte. La femme unique et innombrable. Ce qui forge la chaîne de l'amour : l'habitude, l'espérance, le regret. A partir d'un certain âge nos amours sont filles de notre angoisse. La séparation fait découvrir l'amour. On n'a pas de prises sur la vie d'un autre être. Caractère prophétique de phrases que l'on croit mensongères. Peut-être ne m'a-t-elle pas avoué ses goûts parce que j'avais proclamé mon horreur de cela. Avait-elle rougi ? Incertitude de la mémoire. Effroi à la pensée du jugement des morts. Mes curiosités survivent à la mort d'Albertine. Le désir engendre la croyance : je commence à croire à l'immortalité de l'âme. Je l'imagine vivante mais pareille à l'Albertine de mes rêves. Arbitraire de mon enquête sur l'incident de la douche à Balbec ; choses et êtres n'existent que lorsqu'ils se présentent à mon imagination. Un seul petit fait peut déterminer la vérité. Quand je reçois la lettre d'Aimé, je m'aperçois que je jouais avec des suppositions, je ne croyais pas Albertine coupable. Témoignage accablant de la doucheuse. Une nouvelle Albertine surgit, j'essaie d'imaginer ses désirs qui me tourmentent. La douleur est un puissant modificateur de la réalité ; Balbec et ses scènes familières deviennent un Enfer. La jalousie a le pouvoir de nous découvrir la fragilité de nos opinions sur la réalité. Je souffre de ne pouvoir lui dire ce que j'ai appris. Souvenir bienfaisant de ma grand-mère accusant la doucheuse de mensonge. Ma tendresse renaît et accroît ma tristesse. La lecture des journaux m'est douloureuse. Chaque impression évoque une impression ancienne. Ma jalousie se réveille et je décide d'envoyer Aimé en Touraine. Je dépense mon argent et ma vie dans une liaison avec une morte. Aimé découvre une petite blanchisseuse dont le témoignage - "Tu me mets aux anges" - est cruel. La réalité du vice d'Albertine fait d'elle une étrangère et elle n'est plus là pour me consoler. La souffrance profonde résiste à l'oubli. En Albertine était cachée une autre race ; des baigneuses nues d'Elstir m'aident à imaginer des scènes érotiques et mythologiques au bord de l'eau. La communication rétablie me brûle le coeur. Nous projetons ce que nous sentons sans nous laisser arrêter par les barrières fictives de la mort. Mais l'instabilité des images, le fractionnement d'Albertine en de nombreuses Albertines me sauve. L'Albertine bonne est le seul antidote des souffrances que l'autre me cause. Si elle m'a menti, c'est pour m'éviter du chagrin. Je lui pardonne. Intermittences du souvenir. Mes sentiments - besoin d'éprouver un grand amour - et mes sensations mêmes - larmes au vent de printemps - continuent de me faire vivre un passé qui n'est plus que l'histoire d'un autre. J'attribue à ma douleur des causes pathologiques. Un homme est un être amphibie simultanément plongé dans le passé et dans la réalité actuelle. Mais sans m'en apercevoir je guéris, car je finis, à force d'y penser, par trouver l'idée de la mort d'Albertine naturelle. Cependant les souvenirs ne se retirent pas également et l'idée qu'elle était coupable me martyrise sans que je puisse être consolé par l'image de sa douce présence. Cette idée aussi deviendra habituelle un jour, et donc moins douloureuse. Je n'en suis pas encore là. Le regret d'une femme n'est qu'un amour reviviscent et obéit aux mêmes lois. Entre des intervalles d'indifférence, mon regret est ravivé surtout par la jalousie et la douleur. Un nom, un mot, entrouvre la porte du passé, ou encore les reprises da capo du rêve. Les rêves défont le travail de consolation de la veille ; leur mise en scène donne l'illusion de la vie. Je retrouve Albertine ainsi que ma grand-mère, elles sont mortes et continuent à vivre. Répétés, les rêves produisent une mémoire durable ; le jour, je continue à causer avec Albertine. La réalité d'Albertine est-elle suspendue à mes sentiments ? Mon attachement pour des personnages imaginaires d'un roman de Bergotte me désespère. La fragilité de l'amour m'effraie. Sur la carte, j'évite les noms de lieux qui me font battre le coeur. Ces lieux sont le décor fixe où a évolué ma vie, c'est moi-même qui suis changé. Les journaux ne sont pas inoffensifs ; tel nom par association en évoque un autre : tout est dangereux et donc précieux. Un souvenir ancien, comme celui des Buttes-Chaumont, remonte à la surface avec une puissance intacte alors que l'habitude a émoussé celle des souvenirs auxquels nous avons appliqué notre pensée. Chaque souvenir nouveau renouvelle la jalousie. J'essaie d'imaginer ce que ressentait Albertine : une fois, j'ai l'illusion de voir ses plaisirs inconnus, une autre fois, de les entendre. Andrée vient me voir : elle me semble le désir incarné d'Albertine ; je l'interroge sur ses goûts pour les femmes en feignant d'être au courant ; elle avoue mais affirme qu'elle n'a pas eu de relations charnelles avec Albertine. Le cri des petites blanchisseuses. Je voudrais, comme dans les romans, trouver un témoin qui me raconte la vie d'Albertine. Je cherche des femmes qui lui ressemblent, ou qui lui auraient plu. A travers mes nouveaux désirs, c'est Albertine elle-même que je cherche. L'idée de l'unicité d'Albertine n'est plus un a priori métaphysique mais un a posteriori, entrelacement des souvenirs. Mon amour et mes regrets auraient pu durer toujours si la psychologie était applicable à des états immobiles. Mais l'amour est en moi, et l'âme se meut dans le temps. Un jour viendra où j'aurai oublié Albertine.
Chapitre II
Mademoiselle de Forcheville
Pour atteindre à l'indifférence, il faut traverser en sens inverse tous les sentiments par lesquels l'amour a passé ; mais le progrès de l'oubli est irrégulier. Première étape, un dimanche de Toussaint, au Bois. Je pense avec douceur à Albertine en fredonnant des phrases de la sonate de Vinteuil. Le charme de la mélancolie tient aux progrès de l'oubli. Je regarde les jeunes filles. Toutes me semblent des Albertines. Je suis et perds trois jeunes filles. Je les revois devant ma maison et l'une d'elles, la blonde, me regarde. Son regard dissimulé, et son nom, Mlle d'Eporcheville, m'enflamment. Sûr d'avoir deviné juste, je vérifie auprès du concierge ; puis, par télégramme, auprès de Saint-Loup que la jeune fille blonde qui m'a regardé est bien l'aristocrate qui fréquente une maison de passe. Je la trouverai chez Mme de Guermantes. Rage et désespoir quand mon père veut m'emmener quarante-huit heures avec lui hors de Paris. La dépêche de Saint-Loup me détrompe. Ma mère m'apporte mon courrier ; elle blesse l'amour-propre de Françoise en l'empêchant d'entrer dans ma chambre. Mon article a paru dans Le Figaro. Il est lu par tous ; je tâche de me mettre à la place du lecteur, mon article me charme. Je veux aller vérifier si d'autres le lisent comme moi ; l'activité littéraire pourrait remplacer ma vie mondaine. Je vais chez la duchesse de Guermantes ; attrait de ce salon, point d'intersection entre la réalité et le rêve. La jeune fille blonde m'est présenté à nouveau : je crois ne pas connaître Mlle de Forcheville. Nos erreurs sur la représentation du monde. Histoire de Gilberte Swann, devenue une riche héritière, adoptée par le second mari d'Odette. Swann rêvait de présenter sa fille à la duchesse, mais les tableaux qu'on se fait ne se réalisent jamais. Refus de la duchesse, raisons de sa persévérance. Le duc de Guermantes obtient une présentation. Progrès rapide de Gilberte chez les Guermantes qui aiment en elle les qualités héritées de son père. Propos protecteurs sur l'ancien ami ; accès de sensibilité de la duchesse ; l'adoption de Gilberte accélère l'oubli. Dessins d'Elstir, désormais à la mode et appréciés par la duchesse. Je parle de mon article ; le duc, violemment étonné, se met à le lire. Anecdote du prince des Laumes et du paysan à Paray-le-Monial. Gilberte prétend qu'elle ne connaît pas Lady Rufus Israël. Honteuse de ses parents, elle tient d'eux ses défauts. Combinaisons complexes de l'hérédité morale. Gilberte se conduit en autruche ; sa nouvelle signature. Dans son snobisme, elle manifeste une intelligente curiosité : ses questions et sa discrétion à propos d'anciens amis de son père. Compliments mitigés du duc sur mon article. Je refuse une invitation en raison de mon deuil. Gilberte partie, la duchesse commente la difficulté qu'il y a à ne pas nommer Swann : il suffit de ne pas penser à lui, proclame le duc. Je reçois deux lettres de félicitations pour mon article, l'une de Mme Goupil, l'autre d'un inconnu, et rien de Bloch. Je rêve que Bergotte admire cet article. Je pense avec désolation que Gilberte hâte et consomme l'oeuvre de la mort et de l'oubli de son père. Elle a une même action sur moi à l'égard d'Albertine. La disparition de la souffrance me laisse diminué. Ma vie m'apparaît dépourvue du support d'un moi individuel. Fatigue et tristesse accompagnent le changement de moi. Seconde étape de l'oubli : conversation avec Andrée, six mois après la précédente. Infortunes de Mme Sazerat. Visite de ma mère à la princesse de Parme. Dans le petit salon, M. de Charlus dit des vers d'amour à un militaire qui est Morel. Andrée m'attend dans ma chambre. Je lui dis en la caressant ma curiosité pour les plaisir d'Albertine. Elle contredit sans vergogne ses dénégations anciennes. Morel racolait pour Albertine des petites jeunes filles du peuple. Affreux remords d'Albertine en proie à une sorte de folie criminelle dont elle espérait que je la sauverais. J'ai failli la surprendre avec Andrée le jour du seringa. L'affreuse vérité arrive trop tard pour me toucher profondément. Une phrase, une idée peuvent toujours être réfutées. Andrée a pu être sincère parce qu'elle ne craint plus Albertine ; inversement, pour la même raison, elle a pu mentir afin de me peiner. Sa gentillesse et sa malignité. Anticipation sur son mariage avec Octave, neveu des Verdurin ; sous l'imbécile prétentieux de Balbec, il y avait un artiste de génie. Son prestige pour moi ; les chefs-d'oeuvre ne naissent pas du mérite intellectuel. La vraie Albertine devinée dès le premier jour. Je ne la croyais pas coupable tant que je l'aimais. Le mensonge est essentiel à l'humanité. Les charmes d'un être sont ses secrets ; l'amour est lié au soupçon. Après le départ d'Andrée, maman m'apprend la visite de la princesse de Parme, exception à une règle. J'écris à Andrée de revenir pour l'interroger encore. Cause du départ d'Albertine : les Bontemps voulaient la marier à Octave, et c'est pour le rencontrer qu'elle voulait voir les Verdurin. Albertine roublarde et victime. Les femmes médiocres conviennent aux intellectuels sensibles car leurs mensonges créent pour eux un univers en profondeur. Figure insaisissable d'Albertine. Innocence de ses relations avec Mlle Vinteuil et son amie. Albertine tête brûlée. L'amabilité d'Octave à mon égard tenait à son désir de voir Albertine. Je le condamne et m'aperçois que la même duplicité me remplissait d'affection pour Saint-Loup quand j'étais amoureux de sa tante. Ce jeune homme recherchait peut-être sincèrement l'amitié d'un intellectuel. Doute sur les affirmations d'Andrée, sur le sens des rougeurs d'Albertine, tristesse et fatigue.
Chapitre III
Séjour à Venise
Troisième prise de conscience de l'oubli : le voyage à Venise. Analogies et transpositions vénitiennes de mes anciennes impressions du dimanche matin à Combray. Maman ne cache plus sa tendresse. La douceur de son sourire est désormais liée dans ma mémoire à l'ogive arabe, joyau d'architecture médiévale. Comparaisons entre la Venise magnifique et la Venise misérable : la leçon de Véronèse s'ajoute à la leçon de Chardin. L'après-midi, sans maman, j'explore la Venise obscure à la recherche de filles du peuple. Promenades en gondole au soleil couchant avec ma mère ; impressions urbaines et mondaines dans la cité de la mer et de l'art. Dîner avec Mme Sazerat dans un palais transformé en hôtel. Propos dédaigneux des garçons au sujet d'un vieux ménage : ce sont Mme de Villeparis et M. de Norpois. Leurs moeurs conjugales. M. de Norpois s'intéresse à la situation internationale. Il présente le prince Foggi à la marquise. Mme Sazerat découvre une petite vieille à la place de la beauté fatale qui avait ruiné son père. Art diplomatique et ambition secrète du marquis. Les journaux évoquent cette conversation et provoquent son courroux. Comment, en 1970, il manipulait l'information. Albertine enfermée en moi. Mon héritage est sérieusement entamé. On ne pouvait comprendre à Combray que je me fusse ruiné pour Albertine. Pourrai-je ramener à Paris une jeune marchande de verrerie ? Rappels furtifs d'Albertine. Arrivée d'une dépêche : Albertine est vivante et veut parler mariage. Je ne peux pas plus ressusciter Albertine que mon moi d'alors : l'oubli a dévoré mon amour. Je dis que la dépêche ne m'est pas destinée. Sorties studieuses avec maman, quand je travaille sur Ruskin, à Saint-Marc. Elle demeure dans mon souvenir, drapée dans son deuil, semblable à la femme âgée du tableau de Carpaccio. Le manteau d'Albertine, retrouvé dans un autre tableau, me rend un instant mon amour. Visite de la chapelle des Giotto à Padoue. Comme les figures allégoriques, que Swann m'avait données à Combray, les anges font des actions réelles. Une Autrichienne en vacances à Venise m'attire par ce qu'elle a de commun avec Albertine. Promenades nocturnes et solitaires dans des lieux enchanteurs. En apprenant l'arrivée de la baronne Putbus, je refuse de partir avec ma mère. Sous l'effet de mon angoisse, Venise cesse d'être Venise. Je me précipite à la guerre. Dans le train, lecture du courrier. Gilberte m'apprend son mariage avec Saint-Loup ; la dépêche était d'elle ; son écriture explique la confusion.
Chapitre IV
Nouvel aspect de Robert de Saint-Loup
Emotion de ma mère à cette nouvelle. Elle m'apprend le mariage du petit Cambremer avec Mlle d'Oloron, c'est-à-dire du neveu de Legrandin avec la nièce de Jupien. Transgressions de castes choquantes pour la bourgeoisie. Ma mère essaie d'imaginer ce qu'eût pensé ma grand-mère. Intrigues précédant les mariages. Ma tristesse : mon passé s'éloigne de moi ; on la prendra à tort pour un pressentiment. Gilberte vedette des salons. Equivoques autour des alliances. Conséquence des mariages. Le snobisme. Legrandin cède la place à un goût moins factice que l'âge rend platonique. Mme de Cambremer devient indifférente à l'amabilité de Mme de Guermantes. Gilberte, pensant avoir atteint les sommets du faubourg Saint-Germain, se prend de mépris pour les gens du monde et son salon est déclassé. Mort de Mlle d'Oloron peu après son mariage. Pièges de la lettre de faire-part pour un lecteur non initié. Charlus apprécie le jeune Cambremer. Reprise des commentaires familiaux dans le train, puis à Paris. Sagesse des familles et Muse de l'Histoire. Les gens de Combray font des gorges chaudes du mariage de Saint-Loup. Je revois Gilberte car je ne l'aime plus. Pour aller à Tansonville, je confie ma maîtresse à un ami qui n'aime pas les femmes. Gilberte, trompée par Robert, est malheureuse. Jupien me révèle que les lettres signées Bobette sont de Morel qui a quitté le baron pour Saint-Loup. Indignation de Jupien. Mme de Marsantes a imposé la réconciliation entre Gilberte et Saint-Loup. Robert eût pu épouser Albertine, pour la même raison que moi, mais avec des buts opposés. Conversation avec Aimé à Balbec où je retrouve les Saint-Loup. Les goûts de mon ami seraient anciens : scandale du liftier. Qui a menti ? Nouvelle interprétation de la rougeur de Saint-Loup. Il trouve quelque chose de Rachel à Charlie. Gilberte s'efforce de ressembler à Rachel, la croyant encore aimée. Ayant trouvé un protecteur en Robert, Odette, d'abord hostile au mariage, s'emploie à le maintenir. Comportement déplorable de Saint-Loup durant sa liaison avec Morel. Mes larmes pour une amitié perdue. Séjour à Tansonville. Promenades et causeries avec Gilberte, la nuit venue. Je m'afflige d'éprouver peu d'émotion en revoyant Combray et ses environs : renversement de mes vues de jeunesse. Gilberte me révèle ses désirs : j'avais mal interprété son regard, lors de la première rencontre, à Tansonville. Je l'avais bien compris, la seconde fois, la veille du jour où nous nous étions retrouvés chez Mme de Guermantes. Mon chagrin ayant disparu, je ne cherche pas à revenir sur les circonstances de notre rupture. Mais je dois modifier ma vision de la première rencontre et me persuader que le bonheur dont je rêvais alors n'était pas inaccessible.
A Tansonville. Chez Gilberte de Saint-Loup, à Tansonville ; dans la fenêtre de ma chambre, la forêt de Méséglise et le clocher de Combray. A l'inverse de Charlus, Saint-Loup a pris sous l'effet de son vice l'aspect d'un officier de cavalerie. Ses mensonges. Françoise l'estime dans son rôle de protecteur vis-à-vis de Morel. Sentiments de Saint-Loup pour Gilberte, pour Morel. Saint-Loup ressemble de plus en plus à tous les Guermantes. L'homosexualité chez les Guermantes et les Courvoisier. Mes conversations avec Saint-Loup se limitent à l'art militaire. Gilberte n'est pas plus explicite à l'égard d'Albertine.
Le "Journal" des Goncourt. Au lieu de La Fille aux yeux d'or, je lis un passage du journal inédit des Goncourt. Transcription de ce passage : un dîner chez les Verdurin. Leur hôtel, Brichot ; leur salon. Le peintre Elstir a été découvert par eux ; Swann, Cottard.
Prestige de la littérature ! Si je ne sais ni regarder ni écouter comme la lecture du journal des Goncourt me le prouve, c'est que je m'attache aux lois psychologiques. Et la vérité des mémorialistes n'est pas celle des artistes qu'ils ont fréquentés. Le sujet, les modèles, sont secondaires dans l'oeuvre d'art.
M. de Charlus pendant la guerre : ses opinions, ses plaisirs. Après de longues années dans une maison de santé, mon second retour à Paris, en 1916, après celui de 1914. Le Paris de la guerre ressemble au Directoire, ses reines en sont Mme Verdurin et Mme Bontemps. Nouvelles modes, nouvelles moeurs. La guerre, après l'affaire Dreyfus, a bouleversé les situations mondaines. Le salon Verdurin ; anciens et nouveaux fidèles : Morel, déserteur, Octave "Dans les choux", devenu l'auteur d'une oeuvre admirable, a épousé Andrée. Avances de Mme Verdurin à Odette. La nouvelle demeure des Verdurin.
Avions dans le ciel d'été à la tombée du jour. Mes promenades à la nuit dans Paris me rappellent celles de Combray.
Mon premier retour à Paris, en 1914 ; j'y avais retrouvé Saint-Loup, à la déclaration de guerre. Il cache ses efforts pour se faire envoyer au front. Le faux patriotisme de Bloch ; vrai patriotisme de Saint-Loup, comme celui de ses camarades de Doncières. L'idéal de virilité des homosexuels, officiers, diplomates-écrivains. Le directeur du Grand Hôtel de Balbec est en camp de concentration, son liftier veut s'engager dans l'aviation. Le maître d'hôtel tourmente Françoise avec les nouvelles de la guerre. Françoise n'a perdu aucun de ses défauts : indiscrétion, mauvaise foi, goût pour les tournures empruntées au mauvais usage. De retour dans ma maison de santé, j'y avais reçu, en septembre 1914, une lettre de Gilberte, réfugiée à Tansonville occupé par les Allemands. Saint-Loup, dans une autre lettre, me parlait de la guerre, de l'évolution de ses lois, de la mort du jeune Vaugoubert. Ses jugements intellectuels et artistiques.
Mon second retour à Paris ; nouvelle lettre de Gilberte : elle affirme maintenant qu'elle était à Tansonville pour défendre son château. Les combats dans le secteur de Combray. Visite récente de Saint-Loup, en permission. Ses propos sur la guerre : beauté wagnérienne des bombardements de nuit.
Ses considérations stratégiques, diplomatiques, où il se montre brillant quoique moins original que son oncle Charlus. Tout en me rendant à pied chez les Verdurin, j'admire en peintre l'impression d'Orient produite par le coucher du soleil sur la ville. Je rencontre Charlus. Il ressemble maintenant à tous les invertis ; baisse de sa situation mondaine. Malveillance de Mme Verdurin à son égard. Il est démodé. Cruauté de Morel, auteur d'articles calomnieux. Mme Verdurin continue à recevoir, M. de Charlus à aller à ses plaisirs. La guerre répète à l'échelle des nations les rapports entre les individus. Le croissant de Mme Verdurin le jour du naufrage du Lusitania. La germanophilie de Charlus. Il n'a que sarcasmes pour les articles de Brichot, devenu, comme toute la presse, militariste, et m'en fait part. Sa brouille intermittente avec Morel. Charlus me détaille les absurdités des articles de Norpois, de Brichot, laisse voir ses propres enfantillages. Mme de Forcheville a adapté son anglomanie au discours de l'heure. Brichot devenu la cible des railleries de Mme Verdurin exaspérée du succès de ses articles pédants. La conversation de Charlus sur la guerre le trahit tout entier ; il est défaitiste par esthétisme, respect des traditions. Sa dangereuse harangue sur les boulevards où il est suivi par des individus louches. Ciel nocturne où continuent d'évoluer les aéroplanes, à la différence de 1914 ; clair de lune. Charlus voudrait renouer avec Morel. Deux ans plus tard, Morel m'avouera sa peur de Charlus, justifiée par une lettre de celui-ci qui me parviendra après sa mort. Retour à la conversation de Charlus, comparant Paris à Pompéi. Les soldats de toutes les armées de la guerre résument son idéal de virilité inspiré de l'antique. En me quittant, sa poignée de main.
L'hôtel de Jupien. Je marche dans un Paris dont la nuit a fait un décor des Mille et Une Nuits. Pour me reposer et me désaltérer j'entre dans un hôtel d'où je vois sortir un officier qui ressemble à Saint-Loup. Dans l'hôtel, conversation de clients, militaires et ouvriers ; celle-ci prend un tour inquiétant. J'obtiens une chambre ; j'observe un homme enchaîné qu'on fouette : Charlus. Arrivée de Jupien, maître des lieux dont Charlus est le véritable propriétaire. Les jeunes gens que recrute Jupien, pas assez brutaux au gré de Charlus, ressemblent tous à Morel. Universalité des lois de l'amour. Dans l'antichambre de l'hôtel : une croix de guerre y a été perdue. Deux clients très élégants ; comment l'émotion se révèle dans le langage. Jupien me dissimule dans la chambre contiguë au vestibule d'où on peut voir et entendre sans être vu. Charlus et son harem de jeunes gens, dont l'absence de perversité le déçoit. Un mauvais prêtre parmi les habitués. Après le départ du baron, Jupien justifie son rôle avec toutes les ressources de son esprit, concluant par une évocation de Sésame et les lys de Ruskin, que j'avais traduit. De nouveau dans les rues ; alerte aux avions. Les Pompéiens dans les couloirs du métro, toutes classes sociales confondues. Nos habitudes, indépendantes de toute valeur morale, comme chez Charlus dont les aberrations trahissent l'universel rêve poétique de l'amour. A la fin de l'alerte, je rentre chez moi ; Saint-Loup y était venu, cherchant sa croix de guerre perdue. Françoise et la guerre ; les tourments que lui inflige le maître d'hôtel. Le triomphe de la vertu : les Larivière, cousins millionnaires de Françoise. Mort de Saint-Loup, le surlendemain de son retour au front. Souvenirs d'une amitié. Secret de sa vie, parallèle à celle d'Albertine ; Françoise en pleureuse. Lois de la mort. J'écris à Gilberte. Le chagrin inattendu de la duchesse de Guermantes. Autre conséquence de la mort de Saint-Loup : Morel, arrêté pour désertion et faisant inquiéter par ses révélations Charlus et Argencourt, est envoyé au front, y gagne la croix de guerre. Si Saint-Loup avait survécu...
Matinée chez la princesse de Guermantes. L'Adoration perpétuelle. Mon troisième retour à Paris, après la guerre. Arrêt du train en pleine campagne, une ligne d'arbres ne suscite plus en moi la moindre émotion : confirmation de mon impuissance à écrire. Invitation pour une matinée chez la princesse de Guermantes ; plaisir mondain dont je n'ai plus à me priver, charme retrouvé du nom de Guermantes. En route pour l'avenue du Bois. C'est aussi un voyage dans le temps, vers les hauteurs silencieuses du souvenir. Sur les Champs-Elysées je rencontre Charlus, vieux prince tragique, accompagné de Jupien. Son salut à Mme de Saint-Euverte dont il a oublié qu'il la méprisait autrefois. Les signes de l'aphasie ; sa mémoire intacte. Il m'énumère les noms de ses parents et de ses amis morts. Rencontre de la duchesse de Létourville ; elle fait grief à Charlus de son infirmité. Mais celui-ci est resté coureur comme un jeune homme, au dire de Jupien. Autre constante : sa germanophilie. En arrivant chez la princesse de Guermantes, mon plaisir frivole, la certitude de mon absence de talent. Je ne connais pas les joies de l'esprit, comme le croyait Bergotte. Dans la cour de l'hôtel de Guermantes, je bute contre des pavés mal équarris : je retrouve la même félicité qu'à d'autres moments de ma vie, en particulier à la saveur de la madeleine. Résurrection du souvenir de Venise. Dans l'hôtel, nouvelles sensations exaltantes. En attendant au salon-bibliothèque la fin d'un morceau de musique pour entrer, je retrouve l'origine de plaisirs identiques, bruit de la cuiller, raideur de la serviette, qui ramènent un instant de ma vie passée. Les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus. Ces impressions bienheureuses, par l'identité entre le présent et le passé, font jouir de l'essence des choses, en dehors du temps. Tandis que l'observation intellectuelle de la réalité déçoit. Caractère fugitif de ce trompe-l'oeil. Mais un autre écho d'une sensation passée me prouve que le plaisir qu'il donne est le seul fécond et véritable. Le souvenir permet d'atteindre cette réalité, alors que les voyages ne peuvent recréer le temps perdu. Le bonheur proposé à Swann par la petite phrase de la sonate et qui ne lui avait pas été révélé. Insuffisance de l'intelligence. L'oeuvre d'art, seul moyen d'interpréter les sensations, signes d'autant de lois et d'idées. Difficultés de déchiffrer ce livre intérieur. L'art permet de découvrir notre vraie vie ; inutilité des théories littéraires, des mots d'ordre modernistes. La découverte de François le Champi dans la bibliothèque du prince de Guermantes confirme mon raisonnement. Ce livre suscite en moi l'enfant de Combray, car les livres restent unis à ce que nous étions quand nous les lûmes. J'aurais été un bibliophile particulier, collectionnant les éditions de mes premières lectures. L'idée d'un art populaire comme d'un art patriotique me semblait ridicule. La réalité est un certain rapport entre sensations et souvenirs ; l'écrivain l'exprime dans une métaphore. Le devoir et la tâche d'un écrivain sont ceux d'un traducteur. L'erreur des "célibataires de l'art", ébauches informes de l'artiste. Constante aberration de la critique littéraire ; sa logomachie. Le meilleur des lecteurs n'est que la pleine conscience d'un autre. La littérature de notations est dénuée de valeur. La seule vie pleinement vécue, c'est la littérature. Les artistes originaux mettent des mondes différents à notre disposition. Rendre aux moindres signes le sens que l'habitude leur avait fait perdre. Les vérités que l'intelligence dégage directement de la réalité ne sont pas à dédaigner. Les matériaux de l'oeuvre littéraire, c'était ma vie passée, peut-être résumée sous ce titre : une vocation. J'ai fait mon carnet de croquis sans le savoir, même contre mon gré. Extraire la généralité de notre chagrin. Un livre est un grand cimetière. Pourquoi l'oeuvre est signe de bonheur. Le bonheur seul est salutaire pour le corps, le chagrin développe les forces de l'esprit. Le idées, succédanés de chagrins. Comment on fait son apprentissage d'homme de lettres. La souffrance créatrice nous mène à la vérité et à la mort. Sens des moindres épisodes de ma vie passée ; la matière de l'oeuvre est indifférente, ce que prouve le phénomène de l'inversion sexuelle. Les rêves aussi sont un mode pour retrouver le Temps perdu. Seule la perception grossière et erronée place tout dans l'objet, quand tout est dans l'esprit. Subjectivité de l'amour et de la haine. Caractère purement mental de la réalité. Mon expérience, laquelle serait la matière de mon livre, me venait de Swann, et par là exclut toutes les autres vies possibles. La jalousie est un bon recruteur.
Le Bal de têtes. Retour à la matinée : le maître d'hôtel vient me dire que je pouvais entrer dans les salons. Chateaubriand, Gérard de Nerval, Baudelaire, m'ont précédé dans le domaine des impressions esthétiques. Coup de théâtre qui élève contre mon entreprise la plus grave des objections : ma difficulté à reconnaître le maître de maison et les invités, car tous se sont fait des têtes de vieillards. Argencourt en vieux mendiant. Il est la révélation du Temps qu'il rendait ainsi visible. Changements plus profonds des caractères. Le temps a passé aussi pour moi. La duchesse de Guermantes, le jeune Létourville m'obligent à le constater. Entrée de Bloch vieilli ; nous avons le même âge. Mon angoisse en découvrant cette action destructrice du Temps au moment où je voulais peindre dans une oeuvre d'art des réalités extra-temporelles. Entière métamorphose de certaines personnes, telle Mme Sazerat. Maintenant je comprenais ce qu'était la vieillesse, découverte qui serait la matière même de mon livre. M. de Cambremer défiguré par le masque du Temps. Mais la vieillesse avait embelli le prince d'Agrigente. Legrandin, sculptural comme un dieu égyptien. La vieillesse a fait de certains des adolescents fanés, d'autres ont acquis des personnalités nouvelles. Changements ataviques, familiaux, comme chez Bloch. Reconnaître quelqu'un c'est penser un mystère presque aussi troublant que celui de la mort. Chez le jeune Cambremer, la ressemblance avec son oncle Legrandin préfigure le vieillard qu'il sera un jour. Un ancien camarade, de qui je ne retrouve que la voix. Les mesures du temps peuvent être pour certaines personnes accélérées ou ralenties. Lutte des femmes contre l'âge. Odette, défi miraculeux aux lois de la chronologie. L'ancien président du Conseil "chéquard", redevenu ministre, bien des années après. Mme de Forcheville avait l'air d'une rose stérilisée. Moi qui l'avais tant recherchée, je ne sais plus que lui dire ; elle devait bientôt tomber dans un demi-gâtisme. Bloch, maintenant Jacques du Rozier, rendu méconnaissable par son chic anglais ; je le présente au duc de Guermantes. Bloch m'interroge sur l'ancienne société mondaine. La nouvelle princesse de Guermantes n'est autre que l'ex-madame Verdurin. La déférence qui entoure Morel. Le faubourg Saint-Germain s'est déclassé ; l'oubli et l'ignorance en sont la cause, comme en politique. Le rôle du temps dans ces changements mondains ; l'exemple de la duchesse de Guermantes, de Mme de Forcheville, méprises comparables à celles que dénonçait Saint-Simon dans ses Mémoires. Les erreurs d'une nouvelle venue sur Mme Leroi, dont on ne parle plus. Charlus, Swann, Bloch sont d'autres exemples des effets du Temps sur les valeurs mondaines : non un phénomène social, mais un phénomène de mémoire. Un nom, c'est tout ce qui reste d'un être, même de son vivant. Bloch en vieux Shylock ; sa vision du Faubourg n'est pas plus exacte que la mienne quand j'y étais entré ; un jour il aurait les mêmes réactions que moi devant ses changements. Lui est devenu bon et discret. Les invités de la matinée font ressortir les aspects variés de ma vie. Récapitulation de mes différentes perspectives sur Mlle Swann, Charlus, Saint-Loup, la duchesse de Guermantes, leurs rôles différents. Images des êtres dans le souvenir, changement dans les idées qu'ils se font les uns des autres, l'exemple de Legrandin, maintenant aimable avec Bloch. Relativité du souvenir, ainsi avec Albertine. Ce qui subsiste du charme des Guermantes dans ma mémoire et mon imagination.
Incertitude sur la mort des gens du monde les plus âgés, comme Mme d'Arpajon. Toute mort est pour les autres une simplification d'existence. Sortie de la princesse de Nassau, courant à son tombeau. Je prends Gilberte pour sa mère. Je parle avec elle de Saint-Loup et de ses idées sur la guerre.
Gilberte a maintenant pour amie Andrée ; peut-être parce qu'Octave, son mari, avait été aimé par Rachel. Gilberte m'invite à de petites réunions intimes chez elle. Mon intention de recommencer à vivre dans la solitude pour mon oeuvre, et pour des intervalles de repos et de société, je préférerai des jeunes filles en fleurs, avec qui je demande à Gilberte de m'inviter. A la manière d'Elstir, mes justifications esthétiques. La duchesse de Guermantes, amie de Rachel venue réciter des vers. Son snobisme à rebours, son antipathie pour Gilberte.
Pendant ce temps, chez la Berma : attente vaine des invités au goûter qu'elle donnait. Elle est remontée sur la scène pour sa fille et son gendre, en dépit de sa maladie mortelle. Seul un jeune homme a préféré son goûter à la fête donnée par Rachel chez la princesse de Guermantes.
Le jeu et la diction de Rachel récitant des vers. Etonnement des invités, approbation de la duchesse de Guermantes, de Bloch ; je reconnais enfin Rachel dans cette vieille femme. Elle méprise le talent de la Berma. Le temps qui passe n'amène pas forcément le progrès dans les arts. Le déclin mondain de la duchesse de Guermantes, semblable à celui de Mme de Villeparis. Les conséquences du renouvellement de ses amitiés, son esprit. Elle me confie les infidélités de son mari. Contradictions entre ses souvenirs et les miens, sur M. de Bréauté, Swann ; ses anecdotes, la transformation du passé dans son esprit. Je lui rappelle ma première soirée chez la princesse de Guermantes. La duchesse de Guermantes prétend qu'elle a lancé Rachel.
La fille et le gendre de la Berma se font recevoir par Rachel chez la princesse de Guermantes.
La liaison du duc de Guermantes avec Mme de Forcheville. Il n'est plus qu'une ruine, mais superbe. Odette se moque de lui ; sa déconsidération mondaine. Ainsi change la figure des choses de ce monde. Le duc de Guermantes est devenu un risible Géronte ; la réclusion dans laquelle il tient Odette me rappelle ma vie avec Albertine. Odette me raconte ses souvenirs d'amour, me parle de Swann, de Forcheville, tous deux jaloux aussi. La plupart des hommes souffrent par des femmes "qui n'étaient pas leur genre". Des aventures d'Odette, je dégage à son insu les lois de sa vie. Je me demande quelle est la véritable duchesse de Guermantes ; son point de vue de femme du monde. Une nouvelle Mme de Saint-Euverte : nouvel épanouissement de ce nom pour moi. Les reniements de la duchesse de Guermantes, ses propos haineux sur Gilberte. Celle-ci va ma présenter sa fille, ce qui me ramène à l'idée du temps passé ; les points les plus différents de ma vie aboutissaient à Mlle de Saint-Loup. Dans mon livre, je veux user d'une sorte de psychologie dans l'espace. Mlle de Saint-Loup a seize ans, elle ressemble à ma jeunesse. Aiguillon de l'idée du Temps. Que mon livre ne reste pas inachevé ! Comment je le bâtirai, sinon comme une cathédrale, du moins comme une robe, avec l'aide de Françoise. Il est grand temps de m'y mettre, car je suis à la merci d'un accident. Pourtant l'idée de la mort m'est devenue indifférente, mais non pour mon livre. Malaise un soir où je suis sorti. Le moi mondain et le moi qui a conçu mon oeuvre. Personne ne comprend rien à mes premières esquisses ; je me sers d'un télescope, et non pas d'un microscope. L'idée de la mort s'installe en moi comme fait un amour. Travailler la nuit, beaucoup de nuits, à un livre aussi long que Les Mille et Une Nuits, ou les Mémoires de Saint-Simon. La maladie, en me faisant renoncer au monde, m'avait rendu service, malgré l'usure des forces de ma mémoire. Donner à mon oeuvre la forme du Temps, à l'homme la longueur de ses années. J'entends encore le tintement de la sonnette dans notre jardin de Combray, annonçant le départ de Swann, si lointain que j'en éprouve un sentiment de vertige et d'effroi. Marquer mon oeuvre du sceau du Temps.