Vinteuil (septuor) et Wagner (Tristan) unis par l'image de la névralgie chez Marcel Proust :
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Je me rendais compte de tout ce qu'a de réel l'oeuvre de Wagner
357. Je me rendais compte de tout ce qu'a de réel l'oeuvre de Wagner, en revoyant ces thèmes insistants et fugaces qui visitent un acte, ne s'éloignent que pour revenir, et parfois lointains, assoupis, presque détachés, sont à d'autres moments, tout en restant vagues, si pressants et si proches, si internes, si organiques, si viscéraux qu'on dirait la reprise moins d'un motif que d'une névralgie.
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372. Une phrase d'un caractère douloureux s'opposa à lui, mais si profonde, si vague, si interne, presque si organique et viscérale qu'on ne savait pas, à chacune de ses reprises, si c'était celles d'un thème ou d'une névralgie.
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Plus loin, c'est encore à Wagner qu'est comparé Vinteuil :
372. Ce qu'elle avait permis grâce à son labeur, qu'on connût de Vinteuil, c'était à vrai dire toute l'oeuvre de Vinteuil. À côté de cette pièce pour dix instruments, certaines phrases de la sonate que seules le public connaissait, apparaissaient comme tellement banales qu'on ne pouvait pas comprendre comment elles avaient pu exciter tant d'admiration. C'est ainsi que nous sommes surpris que pendant des années, des morceaux aussi insignifiants que la « Romance de l'Étoile », la « Prière d'Élisabeth » aient pu soulever au concert des amateurs fanatiques qui s'exténuaient à applaudir et à crier bis quand venait de finir ce qui pourtant n'est que fade pauvreté pour nous qui connaissons Tristan, L'Or du Rhin, Les Maîtres Chanteurs. Il faut supposer que ces mélodies sans caractère contenaient déjà cependant en quantités infinitésimales, et par cela même peut-être plus assimilables, quelque chose de l'originalité des chefs-d'oeuvre qui rétrospectivement comptent seuls pour nous, mais que leur perfection même eût peut-être empêchés d'être compris ; elles ont pu leur préparer le chemin dans les coeurs. Toujours est-il que, si elles donnaient un pressentiment confus de beautés futures, elles laissaient celles-ci dans un inconnu complet. Il en était de même pour Vinteuil ; si en mourant il n'avait laissé – en exceptant certaines parties de la sonate – que ce qu'il avait pu terminer, ce qu'on eût connu de lui eût été auprès de sa grandeur véritable aussi peu de chose que pour Victor Hugo, par exemple, s'il était mort après « Le Pas d'Armes du Roi Jean », « La Fiancée du timbalier » et « Sara la baigneuse », sans avoir rien écrit de La Légende des siècles et des Contemplations : ce qui est pour nous son oeuvre véritable fût resté purement virtuel, aussi inconnu que ces univers jusqu'auxquels notre perception n'atteint pas, dont nous n'aurons jamais une idée.