344. « Je crois que l'oncle et la tante d'Albertine m'aiment bien », disais-je étourdiment à Andrée, sans penser à son caractère. Aussitôt je voyais son visage gluant se gâter, comme un sirop qui tourne, il semblait à jamais brouillé. Sa bouche devenait amère. Il ne restait plus rien à Andrée de cette juvénile gaieté que, comme toute la petite bande et malgré sa nature souffreteuse, elle déployait l'année de mon premier séjour à Balbec et qui maintenant (il est vrai qu'Andrée avait pris quelques années depuis lors) s'éclipsait si vite chez elle. Mais j'allais la faire involontairement renaître avant qu'Andrée m'eût quitté pour aller dîner chez elle. « Il y a quelqu'un qui m'a fait aujourd'hui un immense éloge de vous », lui disais-je. Aussitôt un rayon de joie illuminait son regard, elle avait l'air de vraiment m'aimer. Elle évitait de me regarder, mais riait dans le vague avec deux yeux devenus soudain tout ronds. « Qui ça ? » demandait-elle avec un intérêt naïf et gourmand. Je le lui disais et, qui que ce fût, elle était heureuse.
Puis arrivait l'heure de partir, elle me quittait.